Un récit édifiant d'antisémitisme européen

Par Michael Freund 

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Adaptation Mordeh'aï pour malaassot.comreproduction autorisée avec mention de la source et du lien

Le nom Anton Drexler a pratiquement été oublié au cours du dernier siècle tumultueux sur le continent européen, presque balayé par la vague de l'histoire au milieu d'une succession de guerres, de transferts de population et de génocides.

Mais au milieu d'une montée inquiétante d'antisémitisme dans l'Union européenne, l'histoire de ce serrurier et outilleur de chemin de fer, qui n'avait rien de remarquable, qui a fondé le Parti des travailleurs allemands (DAP) il y a 100 ans ce mois-ci et encadré un jeune homme nommé Adolf Hitler, fournit un récit édifiant comment un petit groupe d’extrémistes peut laisser un héritage durable et fatal au cours des événements humains.

Après la défaite ignominieuse de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, Drexler, un homme obsédé par les théories du complot antisémite, qui croyait que Juifs, capitalistes et communistes étaient à l'origine de la perte de la Patrie sur le champ de bataille, cherchait à rassembler la classe ouvrière du pays. Conjointement avec une poignée de gueulards animés du même esprit, Drexler forme le DAP le 5 janvier 1919.

Dans son œuvre monumentale, L'ascension et la chute du Troisième Reich, William L. Shirer décrivit Drexler comme "un homme maladif, sans lunettes, sans éducation formelle, avec un esprit indépendant mais étroit et confus, un écrivain pauvre et un pire orateur. "

Sans surprise, la fête de Drexler était loin d'être un succès retentissant. Lors de sa première réunion publique, qui s'est tenue en mai 1919, seules 10 personnes se sont présentées. Son activité se limitait en grande partie à des brasseries munichoises, où des tirades odieuses contre les Juifs étaient accompagnées de quantités abondantes de bière. À l'automne, le DAP comptait à peine 40 membres et était pratiquement inconnu en dehors de son petit cercle de partisans.

Mais le 12 septembre 1919, un nouveau participant, Adolf Hitler, âgé de 30 ans, attira l'attention du groupe. Hitler, qui servait dans le département de la propagande du commandement de district de l'armée allemande, avait été envoyé par ses supérieurs pour recueillir des informations sur le DAP. Après une discussion en grande partie ennuyeuse, le futur chef du parti nazi est devenu furieux lorsqu'un membre du parti a suggéré que la Bavière devrait rompre avec la Prusse et s'unir à l'Autriche.

Hitler s'est lancé dans une tirade qui a choqué toutes les personnes présentes, y compris Drexler, impressionné par son oratoire, et lui a remis un pamphlet intitulé "Mon éveil politique", qui résonnait profondément avec ses propres vues tordues.

Encouragé par son capitaine militaire à rejoindre le parti, Hitler l'a fait, devenant rapidement membre de son comité central et orateur en chef du groupe. Entre autres choses, la DAP a recueilli des fonds en vendant un tabac nommé "antisémite".

Le 24 février 1920, environ 2 000 personnes se présentèrent à Munich pour un rassemblement de la DAP, renommé Parti national-socialiste ouvrier ou nazi allemand. Dans son discours de ce jour-là, Hitler exposa le plan du parti en 25 points, qui stipulait explicitement que "Seul un membre de la race peut être citoyen. Un membre de la race ne peut être qu'un citoyen de sang allemand, sans considération de croyance. Par conséquent, aucun Juif ne peut être membre de la race ".

En quelques mois, Hitler écarta impitoyablement son ancien patron, Drexler, et prit le contrôle du parti nazi, avec des résultats catastrophiques pour le peuple juif et une grande partie du monde.

Et c’est précisément ce qui rend si triste l’histoire de Drexler et de son petit groupe de marchands de haine, particulièrement aujourd’hui, car elle montre qu’un groupe de bigots buveurs de bière peut mettre le feu au monde sans contrôle.

Et si une récente grande enquête sur l'antisémitisme en Europe menée par CNN en donne une indication, il y a vraiment de quoi craindre pour l'avenir des Juifs sur le continent.

Publié en novembre dernier, le sondage, qui comprenait plus de 7 000 personnes interrogées, a révélé que "les stéréotypes antisémites sont bien vivants en Europe, alors que la mémoire de l'Holocauste commence à s'estomper". Plus du quart des Européens disent que les Juifs ont trop d'influence dans les affaires et la finance et que le même pourcentage les lie aux conflits et aux guerres mondiaux. Incroyablement, selon CNN, "un tiers des Européens interrogés ont déclaré ne rien savoir à propos de l'Holocauste". En France, 20% des 18 à 34 ans ont déclaré ne jamais en avoir entendu parler.

Je ne suis ni un alarmiste ni un pessimiste de nature. Mais quiconque possède même un minimum de mémoire historique ne peut que craindre ce qui se passe dans des endroits tels que Paris, Londres et Stockholm.

Malheureusement, ces dernières années, les avertissements concernant la montée de l'antisémitisme en Europe ont commencé à ressembler à divers panneaux de signalisation sur l'autoroute: peu remarqués et en grande partie ignorés. Nous en sommes venus à penser que, contrairement à la météo, tout ce que nous pouvons faire contre la haine européenne des Juifs est de hausser les épaules et de continuer notre vie.

C'est peut-être vrai. Cependant, nous devons néanmoins essayer d’endiguer cette marée dangereuse, en appelant avant tout les dirigeants européens à les tenir pour responsables de leur incapacité à éradiquer l’antisémitisme et la négation de l’Holocauste qui métastasent en leur sein. En négligeant d'éduquer la prochaine génération sur les horreurs du passé et en reprochant constamment à Israël de se défendre, les dirigeants européens attisent encore plus les flammes.

En effet, si un perdant solitaire tel qu'Anton Drexler était capable, il y a un siècle, d'allumer l'étincelle qui a provoqué le nazisme, qui sait quelles calamités le type actuel d'antisémitisme européen ouvert et brutal, armé de la popularité et du pouvoir des médias sociaux, produire. Le vieux cliché est que l'histoire se répète, mais ce n'est que partiellement vrai. En fait, ce sont les gens qui permettent que cela se produise et ce sont eux qui vont en porter la responsabilité.