Posture nucléaire, dans le style Obama
Posture nucléaire, dans le style Obama
Par Charles Krauthammer 9 avril 2010, Washington Post
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/04/08/AR2010040804507.html
Adaptation française de Sentinelle 5770
La doctrine nucléaire consiste à penser l’impensable. Cela implique de faire des menaces et de promettre des représailles cruelles et destructives au-delà de l’imagination. Mais cela a un objectif : empêcher la guerre en tout premier lieu.
Pendant la Guerre Froide, nous avons fait savoir aux Russes que s’ils utilisaient leur immense avantage militaire conventionnel et envahissaient l’Europe occidentale, ils risquaient des représailles nucléaires massives des USA. Adieu Moscou…
Etait-ce crédible ? L’aurions-nous fait ? Qui sait ? Personne n’en n’est jamais arrivé là. Personne n’a jamais eu à prendre de telles décisions. Une posture nucléaire est simplement cela – une stratégie politique déclarative conçue pour obliger l’autre à y songer à deux fois. Nos stratégies politiques y sont parvenu. Le résultat a été baptisé dissuasion. Pendant un demi siècle, elle a tenu. Les Soviétiques n’ont jamais envahi. Nous n’avons pas utilisé les bombes nucléaires. C’est pourquoi la doctrine nucléaire est importante.
Le gouvernement Obama vient d’en publier une nouvelle qui « comprend des modifications importantes sur la posture nucléaire des USA », a déclaré le secrétaire à la Défense Robert Gates. La première parmi celles-ci implique la réponse des USA en cas d’attaque par des armes chimiques ou biologiques.
Avec la vieille doctrine, soutenue par chaque président des deux Partis pendant des décennies, tout agresseur courait le risque d’une réponse nucléaire cataclysmique des USA, qui laisserait la nation attaquante en cendres et pour mémoire.
De nouveau : credible ? Faisable ? Personne ne le sait. Mais la menace était très efficace. Avec la nouvelle stratégie politique du président Obama cependant, si l’Etat qui vient juste de nous attaquer avec des armes chimiques ou biologiques obéit au Traité de Non Prolifération Nucléaire (NPT) », expliqua Gates, « alors les USA promettent de ne pas utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires contre lui ».
Imaginez le scénario: des centaines de milliers de personnes étendues mortes dans les rues de Boston après une attaque massive à l’anthrax ou bien avec un gaz innervant. Le président appelle immédiatement les juristes pour savoir si l’Etat agresseur obéit au NPT. S’il s’avère que l’attaquant est à jour de ses visites les plus récentes de l’AIEA, eh bien il obtient l’immunité contre toute représaille nucléaire. (Notre réponse est alors limitée à des balles, des bombes ou autres munitions conventionnelles).
Cependant, si les juristes disent au président que l’Etat agresseur n’est pas en règle avec le NPT, nous sommes autorisés à buter ces salauds dans le royaume nucléaire à venir. Cela est parfaitement dingue. C’est comme de dire que si un terroriste utilise délibérément sa voiture pour faucher une centaine de personnes attendant à un arrêt d’autobus, la décision de savoir s’il sera pendu (a) ou aura 100 heures de travaux d’intérêt collectif (b) repose entièrement sur la façon dont sa voiture a réussi les inspections de contrôle./ En plus d’être moralement bizarre, la stratégie politique d’Obama est loufoque. Quelqu’un croit-il que la Corée du Nord ou l’Iran seront davantage persuadées d’abjurer les armes nucléaires parce qu’ils pourraient réaliser une attaque chimique ou biologique sur les Etats-Unis sans craindre des représailles nucléaires ?
Cette naïveté est stupéfiante. De même, la promesse d’Obama de renoncer à tout nouveau développement de têtes nucléaires, en fait de ne pas permettre le remplacement des composants nucléaires obsolètes sans l’autorisation du président lui-même. Ceci de par la théorie que notre exemple moral entraînera d’autres pays à éviter des têtes nucléaires.
Au contraire, le dernier quart de siècle – époque de la plus grande réduction des armes nucléaires des superpuissances – est précisément celui où l’Iran et la Corée du Nord se sont décidés à faire leur développement nucléaire (et l’Inde et le Pakistan sont devenus des puissances nucléaires).
C’est encore pire. La révision de la posture nucléaire du gouvernement déclare la détermination des USA à « continuer de réduire le rôle des armes nucléaires dans la dissuasion des attaques non nucléaires ». Le but ultime est de parvenir à une doctrine du refus de premier usage. Cela est profondément préoccupant pour beaucoup de petites nations qui pendant un demi siècle ont reposé sous le parapluie nucléaire des USA pour les préserver d’être attaquées ou envahies par des voisins beaucoup plus puissants. Quand de plus petits alliés voient les Etats-Unis inexorablement décidés à s’éloigner de cette posture – et pour eux ce n’est pas une posture, mais une protection existentielle – que sont-ils amenés à penser ?
Débrouille toi tout seul. Obtiens tes propres Armes de Destruction Massives (WMD). Dirige toi vers le nucléaire s’il faut. Songez-vous qu’ils ne pensent pas cela dans le Golfe persique ? Ce gouvernement semble penser qu’en restreignant les menaces de représailles et en diminuant notre position sur les armes nucléaires, cela décourage la prolifération.
Mais c’est le contraire qui est vrai. Depuis la Seconde Guerre Mondiale, les plus petits pays ont renoncé à l’acquisition d’armes de dissuasion – nucléaires, biologiques et chimiques – précisément parce qu’ils plaçaient leur confiance dans la fermeté, la puissance et la fiabilité de la dissuasion américaine.
Voyant l’Amérique battre en retraite, ils y songeront à deux fois. Et certains s’armeront. Il n’y a pas de plus grande incitation à l’hyper prolifération que le repliement du parapluie nucléaire américain.
Pavane et frayeur nucléaire d’Obama
Par Charles Krauthammer 16 avril 2010, Washington Post
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/04/15/AR2010041504663.html
Adaptation française de Sentinelle 5770 ©
Il y a eu quelque chose de bizarrement disproportionné au sommet nucléaire qui vient de s’achever et auquel le président Obama a convoqué 46 dirigeants mondiaux, le plus grand rassemblement de ce type sur le sol américain depuis 1945. Cette réunion concernait la fondation des Nations Unies, qui semblait être il y a 65 ans un évènement d’importance historique mondiale. Mais celle-ci ? A quoi était destinée cette grande convocation ? A empêcher la dissémination du matériel nucléaire dans les mains de terroristes. Un objectif valable, sans doute. Hélas, les deux plus grandes menaces de ce type ne figuraient même pas sur l’agenda.
La première est l’Iran, qui enrichit frénétiquement de l’uranium pour fabriquer une bombe, et que notre propre Département d’Etat identifie comme le plus grand exportateur du terrorisme dans le monde.
La production de plutonium au Pakistan ne figurait pas davantage sur l’agenda, ce pays ajoutant aux réserves du matériau fissile chaque jour.
La Pakistan est une puissance relativement amie, mais c’est la plus instable de tous les Etats nucléaires. Il combat l’insurrection des Taliban et c’est le foyer d’al Qaïda. Des attentats suicide à la bombe se produisent régulièrement dans ses principales cités. De plus, ses propres services secrets, ‘l’ISI’, sont d’une loyauté douteuse, certains de ses éléments marquant leur sympathie aux Taliban et ainsi par extension, à al Qaïda.
Aussi quelle est la percée majeure annoncée par Obama à la fin de cette conférence de deux jours ? Que l’Ukraine, le Chili, le Mexique et le Canada vont se débarrasser de diverses quantités d’uranium enrichi.
Quel soulagement ! Je ne sais pas pour vous, mais je reste éveillé des nuits entières à me soucier de l’uranium canadien. Je connais ces gens-là, j’ai grandi là-bas. Vous n’avez pas idée de ce qu’ils sont capables de faire. Si Sidney Crosby n’avait pas marqué ce but pour gagner la médaille d’or olympique, on ne peut pas dire ce qui aurait pu s’ensuivre.
Faisons l’hypothèse que séquestrer le matériel nucléaire est une bonne chose. Mais c’est une affaire mineure, en particulier quand l’Iran n’est pas dans le jeu et que le Pakistan produit autant de plutonium que chaque livre d’uranium canadien expédiée au Etats-Unis.
Peut-être que calculer de retirer des quantités relativement faibles de matériau fissile de pays stables et amicaux ne faisait pas vraiment le poids : Obama annonça fièrement que les Etats-Unis et la Russie disposaient de 68 tonnes de plutonium. Sans mentionner le fait que cet accord avait été réalisé il y a dix ans – et, avec le nouveau protocole, on ne commence pas à disposer du plutonium avant 2018. Vous vous sentez plus en sécurité désormais ?
Le lieu approprié de tels accords mineurs et flexibles sur les bombes nucléaires est une réunion d’experts à Genève qui, après un travail en détails, rassemblent les ministres des affaires étrangères pour signature. Ce qui a fait de cette parade de dirigeants du monde à Washington un exercice de mauvaise orientation – détournant l’attention de la menace surgissant d’Iran, sur laquelle les 15 mois de «discussions» profondément naïves d’Obama ne sont parvenus à rien d’autre qu’à la perte de 15 mois.
En fait, le sommet de Washington faisait partie d’un jeu de mauvaise orientation – le « printemps nucléaire » d’Obama. La semaine dernière : un traité ‘START’, évoquant précisément le type d’obsolescence de la guerre froide qu’Obama dénigre couramment. Le nombre de têtes nucléaires que possède la Russie et le stock nucléaire pourrissant est hors de propos aujourd’hui que la lutte existentielle entre les USA et les Soviétiques est terminée. L’un des meilleurs résultats du traité, du point de vue du président russe Dmitry Medvedev, est qu’il peut geler le déploiement de missiles de défense des USA – empêchant ainsi la seule percée antinucléaire de notre temps.
Cela a fait suite à un assouplissement de la posture dissuasive nucléaire des USA (épargnant aux Etats ne se pliant pas au traité de non prolifération des représailles nucléaires des USA s’ils lancent une attaque biologique contre nous) – modification si bizarre et littéralement incroyable que même Hillary Clinton ne pouvait déterminer quelle menace de représailles reste disponible.
Tout cela pendant une semaine au cours de laquelle les plus hauts officiels militaires des USA déclaraient au Congrès que l’Iran est à environ une année d’acquérir le matériau fissile pour fabriquer une bombe nucléaire. Puis à seulement très peu d’années jusqu’au déploiement des armes.
Arrivé à ce point, le monde change irrévocablement : les Etats arabes régionaux se dirigent vers le nucléaire, le Traité de Non Prolifération meurt, la menace de transfert nucléaire à des groupes terroristes croît de façon astronomique.
Un rappel opportun : On vient de découvrir que la Syrie transfert des missiles SCUD létaux au Hezbollah, la force terroriste non étatique la plus puissante au Moyen-Orient. C’est cette même Syrie qui fabriquait secrètement le réacteur nucléaire conçu par les Nord Coréens jusqu’à ce que les Forces Aériennes d’Israël aient détruit l’installation il y a trois ans.
Mais ne vous inquiétez pas. L’uranium canadien est sécurisé. Un communiqué du sommet non contraignant a été publié. Et un « plan de travail » a été agréé.
Ah oui ! Il y aura un autre sommet dans deux ans.
Le rêve se poursuit.