‘La Guerre d’Indépendance n’est pas finie’
Par HERB KEINON AND DAVID HOROVITZ
Jerusalem Post, 19/04/2010
http://www.jpost.com/Features/InThespotlight/Article.aspx?id=173354
Adaptation française de Sentinelle 5770 ©
Dans un entretien spécial pour le jour de l’Indépendance, le ministre des Affaires Stratégiques Ya’alon discute des larges fossés conceptuels avec les USA, de la menace iranienne, et pourquoi les implantations ne devraient jamais être évacuées.
Certains membres du Cabinet sont écoutés constamment – soit parce qu’ils ont des ministères significatifs (Gide’on Saar à
l’éducation), ou bien parce qu’ils se mettent sans cesse en avant sur les ondes (le ministre de l’industrie, du commerce et du travail, Benyamin ben Eliezer).
D’autres ne disposant pas d’une moindre influence, sont rarement à la vue du public. Le ministre des Affaires Stratégiques Moshe « Bogie » Ya’alon répond à ce modèle
La fonction de Ya’alon, telle qu’il la décrit, est essentiellement de préparer des options de stratégie politique pour les réunions du gouvernement traitant de questions diplomatiques vitales et de sécurité. Pas exactement le genre de poste qui le place beaucoup devant les caméras de télévision ; Il n’y a pas de cérémonies où couper des rubans en lançant un faisceau de propositions stratégiques sur l’Iran.
Et la voix de Ya’alon n’est pas entendue si souvent à la radio non plus.De fait, parmi les trois ministères du « septette » de Benyamin Netanyahou dont les fonctions sont mal définies –Ya’alon, le ministre des agences du Renseignement Dan Meridor et le ministre sans portefeuille Bennie Begin – Ya’alon est probablement le ministre dont vous entendez le moins parler.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas d’influence, ni rien à dire. Ya’alon a de l’influence, du fait de sa position au sein du « septette », forum suprême de prise de décision de Netanyahou où les questions de stratégie politique de la plus haute importance sont décidées. De même, comme le montre cet entretien, Ya’alon a de quoi dire.
Ancien kibboutznik, ancien chef du renseignement militaire, et chef d’Etat Major Général des Armées, Ya’alon parle des défis actuels d’Israël vis-à-vis des Palestiniens, de l’Iran et du gouvernement des USA avec expérience.
Comme chef du renseignement militaire au début de l’époque d’Oslo, Ya’alon a accompagné le processus diplomatique avec les Palestiniens depuis les premières étapes. Puis, comme commandant central des Opérations et Chef d’Etat Major Général, il fut intimement impliqué dans l’étouffement de ce qu’il considère comme le résultat d’Oslo : la seconde intifada.
Ce périple a conduit la transformation du Ya’alon parlant franc de la position d’avocat de la terre contre la paix à celle de faucon du Likoud. A la veille du 62ème anniversaire d’Israël, l’homme qui est quelquefois pressenti comme un successeur potentiel de Netanyahou, déclare qu’Israël se bat encore pour la Guerre d’Indépendance contre un ennemi pour qui l’existence même du pays – et non pas le retour aux frontières de1967 – est la question fondamentale. Si seulement, déplore-t-il, les Américains pouvaient saisir cela.
Ce qui suit sont des extraits d’un entretien avec Ya’alon dans son bureau à Jérusalem la semaine dernière
Il y a un manque de clarté sur ce que les USA demandent à Israël. Quelles sont leurs exigences ?
Les USA sont l’allié d’Israël. Il s’agit d’une alliance stratégique profonde, basée sur des valeurs et des intérêts communs. Mais entre des amis, il existe des désaccords qui deviennent parfois publiques. D’un côté, il y a des désaccords, de l’autre, il existe un dialogue continu.
Nous avons des approches différentes provenant d’un point de vue différent sur les défis devant nous. Chaque côté les voit un peu différemment.
Nous entendons qu’il y a des gens du gouvernement des USA qui croient que la source de l’instabilité au Moyen-Orient, c’est le conflit israélo-palestinien, et qu’il est donc important de traiter cela en premier, et d’en venir à la conclusion aussi vite que possible. Il y a ceux qui pensent que vous pouvez résoudre cela en deux ans, plus ou moins, en partant des ‘paramètres Clinton’.
La plupart d’entre nous au gouvernement avons participé au processus diplomatique au cours des 17 dernières années. Nous avons un point de vue différent sur les défis devant nous, et quelles sont les priorités à traiter au Moyen-Orient.
Nous ne pensons pas que le conflit israélo-palestinien soit le coeur du problème. Je dirais même que si Israël – Ne plaise à D.ieu – cessait d’exister, les USA et l’Occident devraient affronter la vague du jihad islamique. Voilà le principal problème.
Si nous ramenons cela à un conflit de type territorial, soit au Liban soit à Gaza, nous voyons que nos retraits ont renforcé le jihadisme islamique. Voilà un exemple des différences de point de vue par rapport aux USA./ La deuxième différence, évidemment, a trait à l’Iran. Nous considérons la question iranienne comme la plus importante.
Si vous recherchez un centre d’instabilité, ce n’est pas le conflit israélo-palestinien ; c’est précisément le gouvernement iranien. Il alimente la vague jihadiste islamique.
Les USA ne considèrent-ils pas le refus du président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas d’accepter l’offre généreuse d’Ehud Olmert en 2008 comme un manque de volonté de la partie palestinienne de parvenir à un accord ?
Apparemment non. Depuis l’aube du sionisme, il n’y a jamais eu de direction palestinienne acceptant de reconnaître le droit à l’existence d’Israël comme foyer national du Peuple juif. Voilà la source du problème, et pas ce qu’on appelle les ‘Territoires Occupés’ depuis 1967. L’opposition au sionisme a commencé avant que nous ne libérions la Judée, la Samarie et Gaza. Avant que nous n’établissions un Etat.
Pour parvenir à un bon pronostic, il faut faire un bon diagnostic. Nous argumentons, et pas seulement avec eux, mais avec la Gauche israélienne, sur ce qui est à la racine du problème. Une partie du problème, qui influence les positions aux USA et en Europe, c’est notre confusion interne.
J’ai aussi cru que la solution était la terre contre la paix, jusqu’à ce que je devienne le Chef du Renseignement Militaire, et vois les choses de près depuis le sommet, et ma façon de penser a évolué.
Mais comment rester Juifs et Démocratiques ? Une majorité pense que nous devons nous séparer là.
D’abord, nous nous sommes désengagés politiquement de Judée et de Samarie, et physiquement de Gaza. La politique du gouvernement Netanyahou est que nous ne voulons pas les diriger. Mais ne pas les diriger ne signifie pas que nous devions nous retirer aux frontières de 1967, qui sont des frontières indéfendables ; ou que nous devions diviser Jérusalem pour amener les ‘snipers’ du Hamas à Jérusalem.
Le Premier Ministre a déclaré qu’il est prêt pour deux Etats. L’êtes-vous ?
Ce qu’il a déclaré est que nous ne voulons pas les diriger… Et comme il l’a dit à l’Université Bar Ilan, si au bout du compte, ils acceptent de reconnaître le droit à un foyer national pour les Juifs ; que les Réfugiés ne retourneront pas en Israël ; que leur entité politique sera démilitarisée et que nous obtiendrons des garanties internationales pour cela ; et qu’un accord signifierait la fin du conflit, alors vous pouvez appeler cela comme vous voulez : un Etat, même un empire.
Nous voulons aller de l’avant en Judée et en Samarie avec le gouvernement d’Abu Mazen [Abbas] et Salam Fayad. Mais pour cela, nous n’avons pas besoin d’en revenir aux frontières de 1967 ni de diviser Jérusalem ; nous n’avons pas à nous mettre de nouveau en danger.
Il y a un déni général, y compris de Fayad, de la liaison entre le Peuple juif et la terre d’Israël. Il a fait une conférence à une réunion interconfessionnelle à New York il y a deux ans sur la sainteté de Jérusalem, et il a parlé de la façon dont elle est sainte pour la chrétienté et l’islam. Comment est-il possible de nier la liaison entre le Peuple juif et Jérusalem ? Comment est-ce possible ?
Avez-vous aperçu une quelconque amélioration dans cette attitude récemment ?
Non, il n’y a aucun changement. Il y a un changement tactique. Ils ont compris que le terrorisme ne marche pas, en particulier après le 11 septembre 2001. Il vaut mieux décrire cela comme opposition à l’occupation, ce qui est plus convaincant dans le monde post-colonial, parce que ceux qui ignorent les détails ici croient que nous sommes des colonialistes, niant que c’était notre foyer remontant à 3000 ans.
Ceux qui veulent poursuivre le processus d’Oslo, qui veulent que nous continuions de donner et donner et donner, sans une volonté palestinienne de reconnaître notre droit à un foyer national, coopèrent avec le plan de destruction d’Israël par étapes.
Avant Annapolis, qui se situait il y a peu de temps, Olmert demandait à Abu Mazen – chef d’un gouvernement considéré comme modéré – de donner son accord à la fin de la conférence à une déclaration disant : « Deux Etats pour deux Peuple ». Il ne voulut pas.
On demanda à Saeb Erekat pourquoi ce refus sur al Jazeera, et il répondit : « parce qu’il n’existe pas de Peuple juif ; que le judaïsme est une religion, et pourquoi une religion devrait-elle disposer d’un Etat » ?
Les critiques d’Israël disent que des implantations s’élargissant aident les extrémistes palestiniens et ruinent tout effort pour que les Palestiniens reconnaissent notre droit à être ici.
Le Premier Ministre a déclaré avant les élections qu’il voulait accepter les engagements du précédent gouvernement, parmi lesquels l’accord entre George Bush et Ariel Sharon, qu’aucune nouvelle implantation ne serait construite en Judée et en Samarie, et qu’une construction dans les implantations serait autorisée pour permettre une vie normale, et pas exactement une croissance naturelle. C’était l’accord, et la construction a continué sous les gouvernements Sharon et Olmert.
De plus, Lui [Netanyahou] déclara que nous acceptons notre engagement de démanteler 23 avant-postes définis par le gouvernement Sharon comme illégaux. Il accepta cela, jusqu’à ce qu’il devienne clair que le gouvernement des USA n’acceptait pas les engagements de l’administration précédente.
Ensuite, nous rejetons totalement l’argument que les implantations soient la raison empêchant la paix. Je pense qu’Arafat voulait aller à Oslo à cause des implantations. Quand il vit l’Aliya massive des Russes, et les implantations, il pensa qu’il allait tout perdre.
Mais si nous parlons de coexistence et de paix, pourquoi cette insistance pour que le territoire qu’ils ont reçu soit nettoyé ethniquement des Juifs ? Pourquoi ces régions doivent-elles être Judenrein ? N’y a-t-il pas des Arabes vivant ici, dans le Negev et en Galilée ? Pourquoi cela ne fait-il pas partie de notre discussion publique ? Pourquoi cela ne fait-il pas hurler jusqu’au ciel ?
Voulez-vous vraiment que des Juifs vivent là sous une autorité palestinienne ? Est-ce réaliste ?
D’abord, nous sommes très éloignés de cela. Je ne parle pas de cela. Je parle de Juifs vivant en Judée et en Samarie sous souveraineté et citoyenneté israéliennes. Pourquoi est-il impossible d’obtenir cette solution si nous nous dirigeons vraiment vers la paix et la coexistence ?
Pensez-vous vraiment que des Juifs
seront autorisés à vivre là-bas sous souveraineté israélienne dans une future entité palestinienne ?
En Judée et Samarie, si vous parlez de paix, il y a assez de place pour Juifs et Arabes. Si vous parlez de guerre, c’est plus compliqué. De combien d’espace ouvert disposez-vous en Judée et Samarie ? Beaucoup. Quel pourcentage du territoire les Juifs contrôlent-ils ? Cinq pour cent. Voilà de quoi tout dépend ?
Dans votre esprit, il ne sera pas nécessaire dans le futur de déraciner la moindre implantation ?
Aucune implantation. Je ne veux même pas parler de retraits territoriaux à une époque où le retrait du Liban a renforcé le Hezbollah, et le retrait de Gaza a renforcé le Hamas au point où nous avons la seconde république islamique au Moyen-Orient – la première étant en Iran, et la seconde à Gaza : le Hamastan. Cela s’oppose à notre intérêt stratégique, et aux intérêts stratégiques de l’Occident.
Avec cela, nous sommes totalement isolés aujourd’hui, et les Palestiniens peuvent rester assis en attendant que les Américains interviennent et imposent quelque chose.
D’abord, nous ne sommes pas complètement isolés. La question aujourd’hui est de savoir s’il y a un partenaire voulant reconnaître notre droit à un foyer national ici. Ceci est la clé. Voilà où la discussion doit commencer, pas sur la construction dans les implantations ou Jérusalem Est.
Mais cela ne se produit pas.
OK, mais nous, en tant que gouvernement, devons faire de notre mieux pour en faire le sujet de discussion, avec les USA, et avec les Européens…Pour les Américains, cela peut n’être qu’une question parmi beaucoup d’autres dans le monde entier. Pour nous, c’est existentiel. Nous devons soutenir cela et insister là-dessus.
Nous avons essayé de prévenir un conflit avec le gouvernement des USA. Le moratoire sur le début des constructions de logements dans les implantations a été une tentative d’un côté non pas pour céder – nous ne nous engagions pas à un gel de « pas même une brique » - et de l’autre côté pour éviter un conflit. Mais maintenant nous voyons que cela n’a pas réussi.
Mais là, il y a aussi une question de confiance entre eux [les USA] et nous. Nous avons entendu de la part de la Secrétaire d’Etat, après avoir déclaré le moratoire, que c’était sans précédent, et que la balle était désormais dans le camp palestinien.
Qu’ont fait les Palestiniens depuis lors pour entrer dans les négociations ? Qu’ont-ils fait ? Depuis une année entière, ils n’ont rien fait pour participer au processus, et tout à coup, la balle est de retour dans notre camp à cause de l’excuse de 1.600 appartements partie d’un processus bureaucratique à Jérusalem ?
Cela ne reflète-t-il pas de profonds fossés avec le gouvernement des USA ?
Je ne cache pas les fossés conceptuels, il y a des différences.
Et la direction de l’administration n’est-elle pas maintenant de nous imposer quelque chose ?
Si quelqu’un pense vraiment qu’ils peuvent imposer la paix simplement comme ça, alors ils sont détachés de la réalité. J’espère que nous n’en arriverons pas là. Il s’agit là d’une question existentielle sur laquelle nous devons être implacables. Nous devons parler, poursuivre le dialogue, mais il y a des différences significatives dans la façon dont nous voyons les choses.
Qu’arrivera-t-il si Obama se dresse en septembre et dit « ceci est notre plan » ? Comment réagirez-vous ?
Il y a eu tant de plans dans le passé, tant de propositions, et aucun n’a été réalisé. J’espère que nous n’en arriverons pas là.
Si le monde arabe sent que les USA ont snobé Israël, alors la probabilité d’une éruption de violence va croître. Donc, nous devons continuer de parler avec le gouvernement des USA, de partager avec eux nos réflexions, et d’empêcher le type de situations que nous avons lues ces derniers jours dans les journaux.
Vous évoquez la possibilité d’une éruption renouvelée de violence. Avons-nous la solidarité interne pour y résister quand vous avez des gens déclarant que la politique du gouvernement sur les implantations conduit à des problèmes avec les USA et peut-être à la guerre ?
Le défi intérieur est en effet un défi. Quand des gens me demandent quel est le plus grave défi intérieur, je dis un mot – confusion. Nous avons vu que quand il existe une unité et un consensus internes, il n’y a pas de pression externe. Nous l’avons vu qu’après le discours à l’Université Bar Ilan. Sur la question des implantations, il n’y a pas de consensus, aussi ce n’est pas une coïncidence si les Américains ont sauté sur cette question.
Sur Jerusalem il y a un consensus, et pourtant les Américains mettent la pression.
Vous entendez des sons de cloches différents de la part du Parti Travailliste sur Jérusalem à l’intérieur du gouvernement, et cela nous cause un grand dommage.
Nombre de nos désaccords internes se terminent en battant notre propre coulpe. Beaucoup disent qu’Oslo a échoué a cause de nous, parce que nous n’avons pas donné assez… Cela est un phénomène occidental, en particulier de type juif. Et il est dangereux.
La plupart des gens dans le pays ne ressent pas qu’Oslo ait échoué de notre fait. Mais il y en a beaucoup qui croient que de ne pas arrêter les implantations complique notre situation.
C’est la fonction des dirigeants, et le rôle de l’éducation. Nous devons expliquer les défis auxquels nous faisons face, ce contre quoi nous nous dressons, et ce pour quoi nous voulons combattre et lutter.
Il s’agit d’une lutte existentielle – la Guerre d’Indépendance n’est pas terminée. Dans une perspective historique, toutes les guerres que nous avons conduites, de 1948 et même avant l’établissement de l’Etat, jusqu’à maintenant, font partie d’une Guerre d’Indépendance pour l’existence d’un foyer national pour le Peuple juif après 2000 ans d’exil.
Nous ne pouvons pas plier sur Jérusalem. Qu’est-ce que Jérusalem ? C’est Sion. Pourquoi ma mère est-elle venue ici après l’Holocauste, pourquoi mes grands-parents sont-ils venus en 1925 ? Ils sont venus à Sion. Du côté de ma femme, ses grands-parents ont quitté le Maroc et sont venus en 1897 en marchant jusqu’ici pendant deux ans. Un autre ancêtre est venu ici dans les années 1600. Pourquoi ici ?
Mais il y a ceux qui disent que Sion n’est pas nécessairement Isawiya ou Abu Dis.
Vous n’avez pas besoin de me parler de compromis territorial, parce que je le voulais jusqu’à Oslo.
J’ai grandi au sein du camp prêt aux concessions territoriales… J’étais prêt à un compromise territorial selon les lignes d’Oslo. Mais ensuite il est devenu clair pour moi qu’il n’y avait pas de partenaire, y compris parmi ceux considérés comme modérés.
Mais comment créez-vous une situation qui les aide à opérer la transformation et à reconnaître le droit des Juifs à être ici ? Ajouter des implantations ne les aide pas à faire cette transformation.
En quoi doivent-ils se préoccuper de savoir qu’il y a plus de constructions à l’intérieur du Gush Etzion, ou à Ariel ? Aucune nouvelle implantation n’est en construction ; aucune terre supplémentaire n’est saisie. Où est le problème ? Ce la ne les préoccupait à l’époque d’Olmert ou de Sharon. Pourquoi tout d’un coup ?
Nous n’élargissons pas le territoire, ni ne construisons de nouvelles implantations. Mais ils se dérobent. Je sais pourquoi. Parce qu’il est confortable pour Abu Mazen de toujours continuer sans parvenir à une résolution. Parce que s’il voulait parvenir à une résolution, il aurait pu le faire avec Olmert. Mais quand Jackson Diehl du journal ‘The Washington Post’ l’interrogea sur l’offre d’Olmert, il dit que les fossés étaient trop larges. Souvenons-nous de quoi nous parlons.
Peut-être parce qu’il veut une solution imposée ?
OK, mais c’est tout ce contre quoi nous devons lutter, politiquement – en termes de ‘hasbara’ [diplomatie publique] – aussi bien à l’intérieur qu’à l’étranger.
Nous ne réussissons pas.
OK, vous ne réussissez pas toujours, mais vous ne devez pas désespérer. Vous ne devez pas abandonner. Je pense que si nous abandonnons sur ces positions, nous nous trouverons sur une pente très glissante. L’islam jihadiste gagne en force avec notre retrait. C’est ce qui est arrivé avec le Hamas et le Hezbollah. Et cela n’aide pas les soldats américains au Pakistan et en Afghanistan.
A quel point êtes-vous préoccupé par l’argument entendu de plus en plus aux USA selon lequel nous mettons en danger la vie de soldats américains ?
Ceci est d’abord et avant tout une manipulation, et un mensonge. La vérité est totalement à l’opposé. Si on nous voit tenir fermement contre les jihadistes, contre le Hamas et le Hezbollah, cela sert les intérêts des USA. Et si on nous voit faibles, que ce soit au Liban, à Gaza, ou en Judée et en Samarie, ce nuit aux intérêts américains.
Il est clair pour nous que la menace centrale aujourd’hui, et la chose qui nécessite la plus haute priorité pour le monde, ce n’est pas le problème israélo-palestinien, mais plutôt celui de l’Iran. Même avant que l’Iran ne dispose de la capacité nucléaire, il nourrit le terrorisme, le soutient, et paie pour. Il accomplit aussi cela dans la cour des USA, en Amérique du Sud. Le lien entre le ‘chavezisme’ et le jihadisme est rampant, mais il s’est maintenant étendu à cinq Etats.
Quand on en vient à la menace nucléaire de l’Iran, il
est clair que ce dont on a besoin, c’est de la ténacité de l’Occident. Ce n’est pas Israël contre l’Iran, ce que je vois malheureusement dans les titres de CNN. C’est l’Amérique, la civilisation
occidentale contre l’Iran.
Nous pensons que le gouvernement iranien aurait dû depuis longtemps faire face à ce dilemme : la bombe ou la survie. Voilà le dilemme, et il doit être créé avant de déployer une option militaire. Mais il doit être fondé sur la détermination occidentale, l’unité occidentale, l’isolement diplomatique, des sanctions économiques et sur l’arrière-plan d’une option militaire crédible.
Quels sont aujourd’hui les dirigeants les plus déterminés concernant l’Iran ?
Nous voyons aujourd’hui la France montrer les bonnes strategies politiques, et la Grande Bretagne. Elles comprennent l’énormité du défi.
Et Obama ?
Quelque chose s’est produit ici que nous n’avons pas vu dans le passé. Auparavant, les USA menait la ligne agressive. Aujourd’hui, comme je l’ai dit, le président de la France et le Premier ministre de Grande Bretagne mènent une ligne plus agressive que le président des USA. Et puis vous avez l’Allemagne et l’Italie, qui se sont jointes à la position américaine.
Je ne crois pas qu’il existe un responsable dans le monde qui veuille voir un Iran nucléaire.
Alors pourquoi n’en font-ils pas davantage ?
Il y a beaucoup d‘intérêts complexes impliqués. Avec la Russie et la Chine, c’est en partie à cause de la stratégie politique nationale envers les USA : le jeu des superpuissances.
Une part de cela a à voir avec des règles non écrites, un modus vivendi, qui je pense existaient entre la Russie et l’Iran : « Nous vous aiderons dans ce domaine, et vous ne nous causerez pas de problèmes dans les Républiques islamiques ». Quelque chose que les Iraniens semblent faire maintenant. Voyez le Kyrgyzstan, et je ne serais pas surpris si le renouvellement du terrorisme en Tchétchénie n’y est pas lié.
Pour les Chinois, il y a des considérations énergétiques, ils ont besoin de la fourniture de pétrole. Et il y a de bonnes nouvelles de ce côté. Au début de l’année, selon les statistiques, les besoins en pétrole de la Chine depuis l’Iran ont chuté de 40 %. L’Arabie saoudite et le Golfe persique fournissent des alternatives à la Chine.
Vous ne croyez pas vraiment qu’un autre ensemble de sanctions de l’ONU entraînera l’Iran à stopper son programme nucléaire. Qu’est-ce qui y parviendra ?
Tout d’abord, j’espère que cela n’est pas la dernière mesure pour placer le gouvernement iranien dans le dilemme entre la bombe et la survie. J’espère que le monde libre continuera de conduire ces types de mesures contre l’Iran. Et comme je l’ai dit, une option militaire crédible doit toujours être brandie en arrière-plan… Ceux qui veulent empêcher d’utiliser cette option doivent investir dans l’isolement diplomatique et les sanctions économiques.
Au-delà de cela, des choses se produisent en Iran. L’économie iranienne est dans un état problématique. Le gouvernement doit déjà s’occuper de la question de supprimer des subventions, ce qui peut en soi déclencher de l’instabilité.
Et puis il y a l’opposition… C’est une opposition inorganisée, mais très authentique et énergique, qui n’aime pas le gouvernement des ayatollahs.
Selon notre perception, la majorité des Iraniens ne veut pas d’un gouvernement islamique jihadiste. Donc, dans une perspective historique, ce gouvernement ne survivra pas éternellement. Mais le lien entre des armes non conventionnelles et un régime non conventionnel est une liaison empoisonnée et dangereuse.
Voyez le sommet sur la sécurité nucléaire de Washington… D’où viendra le matériel nucléaire pour le terrorisme ?
Si ce n’est pas de ces régimes ? Voilà la grande question – qu’un régime de ce type, qui est messianique apocalyptique, et a comme objectif stratégique l’imposition de l’islam sur le monde entier, puisse utiliser des vassaux avec des bombes sales contre les USA, l’Europe et Israël.
Alors vous ne pensez pas qu’ils nous frapperont directement, mais qu’il existe un danger qu’ils puissent donner une capacité nucléaire à un acteur non étatique ?
Cela est certainement leur premier choix.
A quel point êtes-vous préoccupé du fait que les Américains en sont venus à l’idée d’un Iran nucléaire ?
Cela doit nous préoccuper.
Y a t il des gens ici qui pensent à la façon de maîtriser l’Iran s’il obtient une bombe ?
D’une manière ou d’une autre, le projet nucléaire militaire iranien doit être arrêté. Et nous ne devons discuter aucune autre possibilité.
Il doit être arrêté ; mais il pourrait ne pas l’être, alors quid dans ce cas ?
Il doit être arrêté.
Et si les autres ne le font pas, devrons-nous le faire ?
Je dis toujours que nous ne devons pas prendre la tête sur la question iranienne, parce que ce n’est vraiment pas seulement un défi israélien. Mais un défi pour tout le monde libre. Donc nous devons agir comme ceux dont le travail, de préférence, serait accompli par d’autres. D’un autre côté, nous devons aussi être préparés à agir selon l’adage [de Rabbi Hillel] « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? ».
Vous décrivez une situation, concernant à la fois les Palestiniens et les Iraniens, dans laquelle nous sentons que les Américains croient qu’ils savent mieux que nous ce que sont nos intérêts, et où nous essayons d’enseigner aux Américains ce que sont leurs intérêts.
Voyez, nous vivons au Moyen-Orient. Je peux témoigner comme quelqu’un familier des relations avec les USA depuis de nombreuses années… qu’il y a eu beaucoup d’occasions où, oui, nous devions expliquer aux USA ce qui arrive vraiment, et ce qui est vraiment la bonne manière de faire les choses. Vous observez combien de fautes les Américains ont commises ces dernières années.
Parce qu’ils ne nous ont pas écoutés ?
Oui, parce qu’ils ne nous ont pas écoutés. En Irak, au début, ils ne sont pas venus là pour apprendre. De même, sur d’autres questions, sur la question du conflit israélo-palestinien.
L’ancien émissaire des USA Antony Zinni est venu ici en 2002 et déclara que le problème du terrorisme est dû aux barrages routiers… Nous vivons ici et expérimentons les problèmes fondamentaux. Si vous ne les vivez pas, si vous venez dans la région pour une visite, alors vous dites : « Oh, le problème ce sont les barrages routiers. Abattez-les et il n’y aura plus de terrorisme ». Mais avant 2000, il n’y avait pas de barrages routiers entre Jénine et Hébron, seulement à la périphérie. Aussi personne ne pouvait venir pour me dire que le terrorisme est lié aux contrôles routiers. Les barrages routiers sont là à cause du terrorisme. S’il n’y avait pas de terrorisme, il n’y aurait pas de barrages routiers.
Le gouvernement des USA est-il prêt à nous entendre ?
Certains le sont ; je ne parviens pas à en atteindre d’autres.
Les Américains attendent-ils des réponses écrites de notre part sur leurs exigences concernant Jérusalem Est et les pourparlers de proximité.
Les tensions ont diminué… Selon mon option nous devons… nous libérer des modèles d’Oslo qui ont pris racine ici depuis 17 ans.
Mais des gens comme Olmert et Sharon ont renforcé l’impression que nous pourrions simplement fixé les frontières unilatéralement. La réaction américaine maintenant est en parie le résultat de la politique des gouvernements précédents.
Il n’y a personne dans le septette qui pense qu’il soit possible de parvenir à un accord permanent selon cette formule dans l’avenir prévisible. Pas une personne.
La difficulté est que malgré les échecs, nous sommes toujours collés à ce modèle, dominant dans les media, à l’université, et dans l’arène internationale. Israël, selon les résultats des élections, a désaoûlé. Mais ce modèle règne encore, et il est dominant. Cela explique les pressions sur les Premiers ministres.
Êtes-vous opposé à une extension du moratoire de 10 mois sur la construction de logements dans les implantations ?
Le Premier ministre y est opposé. Il l’a dit clairement. La décision a été prise pour 10 mois – elle expire le 27 septembre. Après cela, nous reviendrons immédiatement à la formule de la construction agréée entre Bush et Sharon, sur la base qui a conduit Sharon à accepter la Feuille de Route. Et Jérusalem est en dehors de la discussion.
Avez-vous de plus hautes ambitions politiques ?
Je me concentre toujours sur la fonction en cours. Quand j’étais le commandant d’un peloton, j’avais pour objectif d’être le meilleur commandant de peloton. Quand j’étais le commandant d’une compagnie, je voulais être le meilleur commandant de compagnie. Quand j’ai rejoint l’armée, je ne songeais pas à être le Chef d’Etat Major Général, ou même à être un officier. Je continue de la même manière aujourd’hui. Je ne fais pas de déclarations, et ne traite pas de ces questions. J’essaie d’accomplir le travail qui m’a été confié de la meilleure manière possible. Cette conversation a été un peu déprimante. Où est le rayon de lumière ?
Naturellement, quand vous discutez de défis et de menaces, vous parlez de la partie à moitiè vide du verre. Mais si vous observez ce que nous avons réalisé ici, alors que nous continuons de nous battre pour notre indépendance, ce n’est pas insignifiant.
Que ce soit dans la sphère économique, ou dans les domaines de la science, de la technologie, de la culture et de l’esprit, la coupe est pleine. Il y a d’immenses réalisations, il semble parfois miraculeux comment en 62 années, tout cela a été créé dans un pays où il y a du lait et du miel, mais pas de pétrole, ni d’or, et où même l’eau doit être dessalinisée ou recyclée pour l’agriculture.
Et les réalisations sont liées à deux choses – le cerveau et le cœur, la connaissance et l’esprit. C’est ce dont nous disposons. C’est ce que les Juifs ont eu depuis des milliers d’années, et c’est ce que nous avons ici./ S’il y a quelque chose que nous devons renforcer pour le 62ème Yom Ha’atzmaout, c’est l’esprit. Cela a été sapé, à une époque où les dimensions physiques sont si puissantes.
Hélas, nous entendons des déclarations – nous les avons entendues du précédent gouvernement – selon lesquelles le temps joue contre nous. Nous entendons cela même aujourd’hui. Ma réponse c’est que les Pères du Sionisme avaient coutume de dire que le temps est du côté de ceux que en tirent avantage. Exactement comme nous en avons bénéficié dans le passé, de la même manière, nous devons en tirer avantage dans l’avenir : construire, croître, se développer dans toutes les sphères. Je suis convaincu que nous pouvons le faire, le fait est que nous l’avons fait avec succès dans le passé. Nous devons seulement continuer.