Les contradictions d'Obama
Au terme d’une année d’exercice du pouvoir, la politique étrangère de Barack Obama s’est caractérisée par deux
phases. Durant la première, qui s’est prolongée jusqu’en août-septembre 2009, Obama devenu Président se comporte encore en candidat.
Comme en politique intérieure il cherche toujours à plaire au plus grand nombre. Il tend la main au régime iranien, au pouvoir chinois, à la Russie et promet implicitement aux palestiniens de
faire fléchir Israël. Chacun se souvient des images glaciales de la première rencontre entre le premier Ministre israélien Netanyahou et le nouveau Président. Un an plus tard, il essuie un
camouflet cinglant d’Israël qui annonce la construction de logements dans la partie arabe de Jérusalem, au moment même où son vice Président, Joe Biden, arrive en visite officielle.
Sur tous les dossiers diplomatiques importants qu’il choisit de traiter directement – en partie pour mieux court-circuiter son ancienne rivale la secrétaire d’Etat Hillary Clinton – il se
retrouve confronté à une réalité hostile. Et les observateurs constatent avec surprise que durant cette période, Obama semble se montrer plus conciliant avec ses adversaires qu’avec ses
alliés.
La seconde phase va être marquée par un véritable virage à 180° ; comme si Obama, furieux, choisissait désormais
de durcir le ton envers ceux auxquels il tendait la main quelques mois plus tôt. C’est le cas avec Téhéran et les manifestations populaires au terme des élections truquées y sont pour beaucoup.
Idem avec Pékin. Au début de novembre 2009, il refuse de recevoir le Dalaï Lama. Aujourd’hui, il l’accueille. Entre temps, Pékin a fait étalage de son intransigeance sur les questions
commerciales, monétaires et politiques. Pour le régime chinois, malgré les espoirs américains, se joindre à de nouvelles sanctions contre l’Iran n’est toujours pas envisageable. Son ouverture
vers Moscou marquée notamment par l’abandon du système de défense anti missile en Europe décidé par son prédécesseur, a été accueilli davantage par Poutine et Medvedev comme un geste de faiblesse
plutôt qu’un désir de conciliation.
La diplomatie idéaliste et probablement naïve des débuts repose désormais davantage sur la volte face que sur une stratégie mûrement réfléchie. C’est le cas notamment en Afghanistan, une guerre
dont Obama a répété durant sa campagne qu’elle devait être la priorité dans la lutte contre le terrorisme. Après de longues hésitations, il a décidé d’envoyer 30 000 hommes supplémentaires tout
en annonçant qu’il retirerait les troupes américaines en 2011. Une déclaration calamiteuse qui incite les Talibans à l’intransigeance sachant que dans un an les Forces étrangères auront
probablement disparues du pays. Même ambiguïté envers l’allié Pakistanais au cœur de cette tourmente. Les américains soupçonnent a raison les hauts échelons de l’armée et des services de
renseignements pakistanais d’être infiltrés, ou du moins favorables aux Talibans et mènent leur propre guerre sans en référer au gouvernement en place à Islamabad, contribuant à l’affaiblir
encore davantage.
Barack Obama doit certainement avoir à l’esprit le destin de Lyndon Johnson, le successeur de Kennedy dont le rêves de réformes intérieures avaient été balayées par l’escalade de la guerre au
Vietnam. Contre toute attente, Obama a encore augmenté le budget militaire qui dépasse désormais les 800 milliards de dollars, plus que durant les années Bush. Les difficultés que rencontre le
président démocrate tiennent à deux facteurs : d’abord son incapacité rapportée par ses proches à trancher et à prendre des décisions rapides et radicales. Ensuite, au fait que la crise
financière partie de Wall street a probablement contribué à accentuer le déclin des leaderships américains, aiguisant l’appétit et l’intransigeance de ses rivaux et le désarroi de ses alliés,
notamment européens. Nous sommes entrés dans une période nouvelle ou l’affaiblissement de la puissance des Etats-Unis coïncide avec la montée en force d’Etats longtemps considérés comme les
principaux créanciers de Washington. Pékin a pendant des années procédé a des achats massifs de bons du Trésor américain. Elle réduit désormais ces acquisitions, comme si elle redoutait de voir
cette dette qu’elle détient en partie se déprécier durablement. Le philosophe italien Gramsci écrivait : « Le neuf ne peut pas encore naître car le vieux ne veut pas mourir. » C’est exactement
l’état du monde aujourd’hui et Barack Obama est probablement le premier Président dans l’histoire américaine à ne plus avoir les moyens de maîtriser les défis énormes que doit affronter son
pays.
C'est l'histoire d'un journaliste, grand reporter d'expérience et spécialiste des politiques étrangères et guerre. Eric Laurent a déjà publié une quinzaine de livres sur ces sujets et nous parle aujourd'hui des incohérences dans la politique de Barack Obama face aux armées et guerre en Irak, Afghanistan mais aussi dans ses rapports avec la Chine et Moscou. Un édito très intéressant qui regroupe toutes les informations à savoir.