Jérusalem pour l'éternité !
L'éditorial de Rav Israel Meir Lau
pour Hamodia
Dans la préface du Midrach Eikha Rabbati (chapitre 24), figure une phrase de nos Sages qui
nous interpelle avec vigueur : à trois reprises dans l'histoire, les anges ont voulu dire un cantique en forme de louange, mais D.ieu les a repoussés : lors du Déluge, lors du passage de la Mer
Rouge et aussi lors de la destruction du Temple.
Dans les deux premiers cas, D.ieu a dit aux anges : « Mes créatures sombrent dans la mer et vous voudriez dire une louange ? ». Et dans le troisième cas, D.ieu leur dit : «
L'heure n'est pas à dire un cantique ! ». Or ce troisième cas est surprenant : comment les anges ont-ils pu imaginer dire un cantique au moment de la destruction du Temple, résidence de D.ieu sur
terre ? Peut-on mettre sur le même plan cette situation par rapport aux deux précédentes ?
Un verset dit : « Mon âme, en secret, pleurera », (Jérémie, 13, 17). À ce propos, le Talmud (Traité 'Haguiga, page 5/b) enseigne qu'il y a un endroit dans l'univers qui
s'appelle « Mistarim » (cachette) et dans lequel D.ieu se réfugie pour pleurer la destruction de sa Maison. Le prophète Isaïe dit quant à lui sur la destruction du Temple : « Voilà les braves
guerriers qui se lamentent dans les rues ; les messagers de paix pleurent amèrement. » (Isaïe, 33, 7). Si les anges pleurent ainsi la destruction du Temple, alors comment expliquer qu'ils
veuillent dire aussi un cantique à cet instant précis… ?
La réponse se trouve peut-être dans le Midrach Eikha Rabbati (4, 14) qui cite le chapitre 79 des Psaumes débutant par les mots « Mizmor lé-Assaf », traitant de la destruction
future du Temple. N'aurait-il justement pas fallu écrire, non pas « Mizmor » (chant), mais plutôt « kina » (lamentation) ?
Le Talmud explique en guise de réponse : « Il fallait écrire 'Mizmor' pour remercier Hachem d'avoir alors concentré Sa colère sur les bois et sur les pierres [du Temple] plutôt
que sur le peuple d'Israël qui est resté vivant ». Et c'est pourquoi les anges ont voulu chanter à cet instant un cantique !
Aujourd'hui aussi, nous constatons que même lorsque les bois et les pierres ont été détruits dans Jérusalem, le peuple juif est resté fidèle à sa capitale. En 1948, il y avait dans la
Vieille Ville de Jérusalem, quelque 47 synagogues et yéchivot qui toutes ont été détruites alors par la Légion jordanienne. Mais jamais nous n'avons renoncé à Jérusalem, respectant ainsi le
testament de consolation du prophète Isaïe (40, 2) qui est dirigé vers « le cœur de Jérusalem ». Mais comment une ville peut-elle avoir un cœur, à l'instar des êtres humains ? En fait,
le prophète nous propose en guise de véritable consolation de parler et d'expliquer au plus grand nombre que Jérusalem est bel et bien le cœur de notre peuple !
Jérusalem, disent nos Sages, est le « netsa'h » - l'éternité.
Depuis, nos Sages ont respecté cet enseignement et ont placé Jérusalem au cœur de nos prières, au sommet de la récitation du « birkat Hamazone » et à l'instant-clé du mariage
sous la 'houpa. Ils nous ont aussi appris à aspirer à la reconstruction de Jérusalem à la fin de Kippour et à la fin du Séder de Pessa'h. Car Jérusalem est notre cœur, et s'il est affecté, c'est
notre corps tout entier qui est en danger et c'est notre identité qui en pâtit.
Un ancien officier supérieur de Tsahal m'a raconté qu'il se trouvait près du Golan, à la pointe nord du pays, ce fameux mercredi 7 juin 1967 quand Jérusalem a été libérée. En entendant à la radio la sonnerie du chofar devant le Kotel, cet officier laïc, Matti, m'a raconté qu'il a pleuré à chaudes larmes avec ses compagnons d'armes, ce qui prouve que Jérusalem était bien restée au cœur de nos aspirations !