Israël: le syndrome de l'encerclement
Par Jacques Benillouche
Israël ne pourra pas se contenter d'être spectateur si un nouveau gouvernement, prenant le pouvoir en Egypte, optait pour une alliance avec les pays ouvertement hostiles . La situation ressemblerait alors à celle qui prévalait à la veille de la Guerre de Six Jours. Le risque de devoir mener une guerre sur plusieurs fronts, au nord avec le Hezbollah et au sud avec le Hamas et l’Egypte n'est pas stratégiquement acceptable par Israël. La restitution du Sinaï à l'Egypte n’avait été acceptée par Israël que contre la signature d’un traité de paix en 1979 qui a toujours été respecté par les deux parties, générant une situation de paix avec la plus grande puissance arabe.
L’Etat juif observe pour l’instant avec inquiétude l’évolution d’une situation qui pourrait faire tomber les dominos les uns après les autres avec des troubles en Arabie Saoudite, en Jordanie et au Koweït. Ces Etats entrent dans la mouvance des pays arabes modérés pro-occidentaux ayant choisi une attitude pacifique à l’égard d’Israël mais très vulnérables aux risques extérieurs et intérieurs.
Par ailleurs, le Hezbollah et le Hamas pourraient profiter des troubles en Egypte pour agir sur le terrain. Selon les services de renseignements israéliens, le Hamas profiterait des troubles en Egypte pour augmenter le trafic d'armes à partir du Sinaï en direction de la bande de Gaza par les tunnels de contrebande. En outre, les organisations islamistes palestiniennes envisageraient d’envoyer, depuis Gaza vers le Sinaï, des terroristes chargés d’attaquer Israël par la frontière la plus poreuse avec l’Egypte. Plusieurs prisonniers palestiniens islamistes, dont des membres du Hamas, auraient réussi à s'évader d'une prison d'El-Arish et se seraient réfugiés à Gaza en passant par les tunnels clandestins de Rafiah, à la frontière avec le Sinaï.
La chute de Moubarak pourrait revitaliser tous ceux qui veulent en découdre avec Israël. L'Iran profite déjà de la situation en appelant les dirigeants égyptiens à se soumettre aux exigences des manifestants et en les exhortant à «éviter toute répression violente de la part des forces de sécurité et de police contre la vague d'éveil islamique qui a pris la forme d'un mouvement populaire dans le pays».
Un changement de stratégie du nouveau gouvernement serait mesuré à l’aune d’une reprise des relations diplomatiques avec l’Iran, rompues avec le Caire en 1980, après la révolution islamique iranienne et la reconnaissance d'Israël par l'Egypte. C’est dire l’effervescence qui règne actuellement à l’Etat-major israélien, en instance de réorganisation, mais secoué par les problèmes rencontrés par Yoav Galant, chef d’Etat-major désigné, en délicatesse avec la justice dont l’entrée en fonction est prévue pour le 14 février.
Les Etats-Unis mesurent les dangers de la situation et se sont impliqués fortement pour voir déboucher en Egypte une solution conforme à leurs propres intérêts.
Cette situation explosive donne en tout cas des arguments aux extrêmistes des deux camps et à ceux en Israël qui ont toujours prôné le renforcement de l’emprise d’Israël sur les territoires occupés, au moins pour des raisons sécuritaires. La pression est forte sur le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahou, qui est soumis aux exigences de son aile nationaliste mais qui veut régler les tensions par la voie diplomatique. Il a indiqué qu'Israël «suit avec attention les évènements. Mais notre objectif est d'assurer la paix entre nous et l'Egypte dans tous les cas de figure». Il a demandé à ses ministres de ne pas s'exprimer sur le sujet dans les médias. Mais comme en 1967, les militaires sont favorables à une guerre préventive plutôt que d'attendre que la menace devienne trop grande, suivant en cela une opinion publique devenue majoritairement à droite.
Israël, qui a accepté de temporiser dans son conflit avec l’Iran et ses ambitions nucléaires, se voit contraint de tenir compte, dans sa nouvelle stratégie, du risque à ses frontières sud.
L’Histoire risque de bégayer.