Echos de ‘67: Israël s’unit
Par Charles Krauthammer,
The Washington Post, May 11, 2012
http://www.washingtonpost.com/opinions/echoes-of-67-israel-unites/2012/05/10/gIQA9tUaGU_story.html
Adaptation française de Sentinelle 5772 ©
En Mai 1967, en violation flagrante de précédents accords de trêve, l’Egypte ordonna aux troupes de la paix de l’ONU de quitter le Sinaï, fit avancer 120.000 soldats sur la frontière israélienne, bloqua le Détroit de Tiran (seule issue du Sud d’Israël vers les océans du monde), signa brutalement un pacte militaire avec la Jordanie et, avec la Syrie, promit la guerre pour la destruction finale d’Israël.
Le mois de mai 1967 fut le mois le plus désespéré et affreux d’Israël. Le pays était encerclé et seul. Les garanties précédentes de grandes puissances s’avérèrent sans valeur. Un plan pour tester un blocus avec une flottille occidentale échoua par manque de participants. Le temps se précipitait. Contraints à une mobilisation de masse pour se protéger contre une invasion – et avec une armée faite essentiellement de réservistes civils, la vie resta en suspens. Le pays se mourait.
Le 5 juin, Israël lança une frappe préventive sur les forces aériennes égyptiennes, puis parvint à des victoires éclatantes sur trois fronts. La Guerre des Six Jours est une légende, mais peu se souviennent que, quatre jours plus tôt, l’opposition nationaliste (le précurseur du Likoud de Menahem Begin) était pour la première fois entrée au gouvernement, créant ainsi une coalition unitaire d’urgence nationale.
Chacun comprenait pourquoi. Vous n’entreprenez pas une guerre préventive suprêmement risquée sans la pleine participation d’une large coalition représentant un consensus national.
Quarante-deux ans plus tard, au milieu de la nuit du 7 au 8 mai 2012, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a surpris son pays en intégrant le principal Parti d’opposition, Kadima, dans un gouvernement d’union nationale. Surpris parce que quelque heures avant seulement, la Knesset adoptait une loi pour appeler à des élections anticipées en septembre.
Pourquoi l’ambitieux Netanyahou écartait-il des élections qu’il était sûr de gagner ?
Parce que pour les Israéliens d’aujourd’hui, nous sommes en mai 1967. La terreur n’est pas aussi aiguë: l’humeur n’est pas désespérée, juste un pressentiment. Le temps se précipite, mais pas aussi vite. La guerre n’est pas à quatre jours d’ici, mais elle menace. Les Israéliens aujourd’hui font face à la plus grande menace de leur existence – des armes nucléaires dans les mains de mollahs apocalyptiques qui se sont voués publiquement à l’annihilation d’Israël – depuis mai 1967. Le monde enjoint encore les Israéliens de ne rien faire pendant qu’il recherche une issue. Mais si une telle voie n’est pas trouvée – comme en 1967 – les Israéliens savent qu’ils devront de nouveau se défendre eux-mêmes, par eux-mêmes.
Une telle décision fatale exige un consensus national. En créant la coalition la plus large en près de trois décennies, Netanyahou a établi les prémisses politiques d’une frappe préventive, si on doit en venir là. Le nouveau gouvernement est à la tête une étonnante majorité de 94 sièges sur 120 à la Knesset, décrite par un éditorialiste israélien comme « cent tonnes de solide béton ».
Tant faire pour le récent battage médiatique sur la résistance domestique à la ligne dure de Netanyahou sur l’Iran. Deux personnalités retraitées, notables du renseignement, faisaient l’objet d’une large couverture ici pour leurs éclats contre lui. On a peu remarqué que l’un d’entre eux avait été éconduit par Netanyahou au poste de chef du Mossad, alors que l’autre avait été viré par Netanyahou comme chef du Mossad (d’où la disponibilité du poste). Pour le parti centriste Kadima (qui s’était retiré de Gaza) se joindre à une coalition conduite par le Likoud dont le ministre de la défense est un ancien Premier ministre du Parti Travailliste (qui offrit autrefois la moitié de Jerusalem à Yasser Arafat), c’est la définition même de l’unité nationale – et cela réfute le populaire : « Israël est la division même ». « Chacun dit la même chose », explique un membre de la Knesset, « bien qu’il existe une différence de ton ».
Pour s’en assurer, Netanyahou et Shaul Mofaz de Kadima ont proposé davantage de motifs prosaïques pour expliquer leur fusion : autoriser le service national pour la jeunesse ultra-orthodoxe actuellement exemptée, changer la loi électorale pour réduire l’influence disproportionnée des petits Partis et rechercher des négociations avec les Palestiniens. Mais Netanyahou, le premier Premier ministre du Likoud à reconnaître un Etat palestinien, n’a pas besoin de Kadima pour entrer dans des pourparlers de paix. Il a attendu depuis deux ans que Mahmoud Abbas se montre à la table [des négociations]. Abbas n’est pas venu. Et ne viendra pas. Rien ne changera sur ce front.
Ce qui change, c’est la position d’Israël vis-à-vis de l’Iran. La coalition d’un bord à l’autre démontre la préparation politique d’Israël pour attaquer, si besoin. (Sa préparation militaire ne fait aucun doute).
Ceux qui conseillent à Israël la soumission, la démission, ou seulement une patience sans fin ne peuvent plus écarter une position dure d’Israël comme l’œuvre d’incorrigibles hommes de Droite. Pas avec un gouvernement représentant 78 % du pays.
Netanyahou a renoncé aux élections de septembre qui lui auraient conféré quatre années de plus au pouvoir. Il a choisi à la place de former une coalition nationale qui garantit 18 mois de stabilité pendant lesquels, si le monde n’agit pas (que ce soit par la diplomatie ou autrement) pour arrêter l’Iran, Israël le fera.
Et ce ne sera pas l’œuvre d’un seul homme, d’un seul Parti, ou d’une faction idéologique. Comme en 1967, ce sera l’œuvre d’une Nation.