Ce n'est pas le moment de construire

L'éditorial de Daniel Haïk

pour Hamodia-Edition française

27 AdarI 5771 Jeudi 03 Mars 2011

Le matin, les forces de sécurité ont détruit une partie des maisons de la localité de 'Havat Guilad en Samarie. L'après-midi, le Premier ministre israélien a affirmé avec fermeté que la constellation politique internationale ne se prêtait pas à plus de construction en Judée Samarie…Alors que le printemps arabe se développe, Binyamin Nétanyaou semble opter pour la prudence, peut-être en perspective d'une nouvelle démarche diplomatique promise à Angela Merkel.

La démolition de maisons à 'Havat Guilad

Brusquement, en quelques heures, le dossier des implantations a ressurgi à l'ordre du jour de la classe politique, lundi 28 février dernier. Après plusieurs semaines de calme politique et sécuritaire, dû principalement à la focalisation sur le « printemps arabe », la tension a brusquement grimpé dans la localité de 'Havat Guilad, en Samarie. Cette implantation considérée comme « illégale » a été prise d'assaut au petit matin par des inspecteurs de l'Administration civile escortés de plusieurs unités de la police israélienne et de Tsahal. Les policiers se sont dirigés vers certains bâtiments de la localité et ont surpris les habitants dans leur lit. Ces derniers se sont opposés à leur expulsion et ont commencé à jeter des pierres en direction des forces de l'ordre. Certains se sont même couchés devant les maisons pour empêcher les pelleteuses de les détruire. Les policiers ont d'abord tiré des grenades lacrymogènes. Ensuite, les versions divergent : selon les jeunes résidents, les policiers ont tiré des balles en caoutchouc dans leur direction. Mais au sein de la police, on affirme qu'il ne s'agissait que de balles de peinture moins dangereuses. Les habitants ont alerté leurs camarades et au cours des vives échauffourées qui ont suivi, 12 habitants de 'Havat Guilad ont été blessés et huit autres interpelés. Très vite, les jeunes se sont organisés et ont appelé à une manifestation de protestation contre cette démolition et contre l'usage de balles en caoutchouc par la police. Dans l'après-midi, ces manifestants se sont rassemblés et ont bloqué la route principale d'accès à Jérusalem ainsi que le périphérique Begin. Ils brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « La Libye c'est ici » ou encore « Même sur le Marmara, ils n'ont pas tiré de balles en caoutchouc ». Ces manifestants ont été évacués de force par la police. En marge, l'un des jeunes habitants dont la maison a été détruite et qui est soldat a annoncé, dans une conférence de presse, qu'il refusait de retourner dans sa base militaire après la destruction de sa maison. Il risque d'être sanctionné par Tsahal.

La colère inattendue de Binyamin Nétanyaou

Alors que les manifestants bloquaient l'entrée de Jérusalem, dans la plus pure tradition des rassemblements anti-Oslo, le groupe parlementaire Likoud a essuyé une très vive réaction de Binyamin Nétanyaou. Répondant au député nationaliste Yariv Levin qui s'étonnait de la démolition de maisons à 'Havat Guilad et de l'absence de nouveaux appels d'offres de construction en Judée-Samarie, le premier ministre n'a pas mâché ses mots : « Ceux qui s'expriment de la sorte ne comprennent pas où ils vivent. Ce n'est pas le moment de construire » a déclaré M. Nétanyaou : « Je suis le premier ministre et j'ai la responsabilité du pays. Nous pouvons nous entêter et faire comme si rien ne se passait, mais ce n'est pas mon habitude d'agir de la sorte. La construction se poursuit. Il est vrai qu'il n'y a pas partout d'appels d'offres. Et c'est à vérifier. Mais il faut comprendre que nous nous trouvons dans une situation internationale très difficile pour Israël. Le veto américain devant le Conseil de sécurité à l'ONU n'a été obtenu qu'après beaucoup d'efforts. Nous devons tenir compte des changements qui sont en train de se produire. Il est préférable de préserver les constructions déjà existantes plutôt que d'œuvrer pour de nouvelles » a affirmé le Premier ministre. Ces propos, très fermes, ont été prononcés, quelques jours après qu'Angela Merkel a, selon le quotidien Haaretz, vertement sermonné Binyamin Nétanyaou pour sa passivité dans le processus de paix avec les Palestiniens. Le Premier ministre israélien avait téléphoné, la semaine dernière à la chancelière allemande pour lui exprimer sa déception face au vote de l'Allemagne en faveur de la résolution palestinienne contre la poursuite de la construction en Judée et Samarie. Et c'est Madame Merkel qui a saisi l'occasion pour lui dire qu'elle aussi était déçue de constater qu'il n'avait rien fait pour faire progresser les négociations. Nétanyaou lui aurait alors répondu qu'il s'apprêtait à entreprendre dans les prochaines semaines une démarche qui justement « ferait progresser la paix ». Il n'est donc pas impossible que la colère du Premier ministre face aux députés Likoud s'inscrive dans le cadre de cette démarche.