Rue Dohány, à Budapest. Sa synagogue, située à quelques encablures du cœur de la ville, constitue l'une des principales attractions touristiques de la capitale hongroise.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la bâtissene paraît pas son âge, alors même que la communauté juive locale fête le cent cinquantième anniversaire de sa création.
Pour cause, depuis plus de dix ans, elle subit une restauration de plusieurs millions de dollars. Objectif : retrouver sa beauté originelle, après les destructions de la
Seconde Guerre mondiale et des annéele régime communiste.
Une basilique juive à Budapest
A première vue, le bâtiment est un
assemblage harmonieux de tours et de vitraux, d'arches et dômes en forme d'oignons, le tout enrobé d'un style byzantino-mauresque.
Un mélange éclectique de spirales, de tourbillons et de briques peintes apporte de richesse et profondeur à la structure. Une sensation d'ailleurs, de Moyen-Orient, mise en
valeur par une iconographie religieuse : des étoiles de David côtoient une grande mosaïque en forme de Menorah.
Au-dessus de l'entrée, une inscription en hébreu, tirée du livre de l'Exode : "Qu'ils fassent pour Moi un sanctuaire et Je résiderai à l'intérieur d'eux."
L'intérieur, richement décoré, frise le surréalisme avec sa multitude de couleurs, de formes et de styles architecturaux. Spacieux - il s'agit de l'une des plus grandes
synagogues du monde, avec une capacité d'accueil d'environ 3 000 personnes - il dégage un éclat doré et chaleureux grâce à la lumière qui filtre à travers les vitraux
jaunes.
Des bancs en bois alignés, abîmés par l'usure du temps, reposent lourdement sur un sol sobre. Une paire de chandeliers massifs conclut plusieurs rangées de lampes et de
lustres à globes de verre suspendus au plafond ou aux balustrades des balcons des 2e et 3e étages.
La superficie du bâtiment est imposante : de la porte d'entrée en vitraux jusqu'à la Bimah (estrade d'où est lue la Torah) décorée, il faut compter une distance équivalente
à celle d'un demi-stade de football. La Bimah elle-même est impressionnante : elle s'élève sur trois étages.
Sa porte, arquée et encadrée par deux immenses Menorah, est ornée de décorations alambiquées. Un dôme aux proportions héroïques, couvert de fresques abstraites, la surplombe
et rappelle la forme d'une couronne dorée au sommet de l'Arche sainte (Aron Hakodesh).
L'arche, de la taille d'une petite maison, et est elle-même composée d'arches et de colonnes. Elle renferme des rouleaux de la Torah, dont une partie provient de synagogues
d'Europe de l'Est détruites pendant la Shoah.
De l'âge d'or aux heures sombres
Les premières traces de présence juive dans la région remontent à environ un millénaire, quand les empereurs romains sont au pouvoir. Au cours des huit siècles suivants, les
Juifs de Hongrie - et d'Europe -ont connu des périodes de persécution, d'indifférence et, occasionnellement, d'acceptation.
Au milieu du 19e siècle, pendant le règne de l'empereur Franz Joseph, ils ne sont pas autorisés à vivre à Pest, commune de la rive gauche du Danube, unifiée en 1873 aux deux
villes de Buda et d'Obuda - de l'autre côté du fleuve - pour former l'actuelle Budapest. Malgré cette interdiction de résidence, les éruptions antisémites sont rares et on
parle même, à l'époque, d'une totale émancipation de la communauté juive de la capitale hongroise.
C'est pendant cet âge d'or que la communauté juive de Pest fait appel à un architecte vénitien, Ludwig Foerster, pour construire un lieu de culte grandiose, beau, vaste et
exotique. L'architecte s'est exécuté pour créer une immense basilique juive qui comprend un orgue de 5 000 tubes.
Avec l'épanouissement de la communauté juive, la synagogue de la rue Dohány devient partie intégrante de la ville. Et ce, pendant plusieurs décennies. Jusqu'à ce que
surgisse l'antisémitisme qui accompagne la montée du nazisme, en Allemagne, dans les années 1930. Dès lors, les Juifs renouent avec les persécutions. Et le bâtiment de la
rue Dohány va connaître les heures les plus sombres de son histoire.
Le monde en marche vers la guerre, la Hongrie a décidé de s'aligner du côté des forces de l'Axe, avec l'Allemagne et l'Italie. Fin des années 1930, début des années 1940, le
pays met en vigueur une série de lois antisémites qui interdisent aux Juifs l'accès à certaines professions et écoles, à certains lieux de résidences. En dépit de ces
mesures, les libertés des Juifs de Hongrie ne seront que relativement entravées. Mais pas pour longtemps.
Au printemps 1944, les Juifs de la région sont parqués de force dans des ghettos. L'un des plus grands se trouvait autour de la rue Dohány. Au terme de quelques semaines,
les premiers convois vers les camps commencent à partir. Même avec les Soviétiques aux portes de la Hongrie, qui laissaient entrevoir l'espoir d'une proche libération, les
trains poursuivront leurs funestes allers-retours.
Au milieu de l'été, près de la moitié des Juifs du pays - soit près d'un demi-million d'hommes, de femmes et d'enfants - a été déportée. La plupart a été gazée à Auschwitz,
en Pologne.
La Solution finale, fomentée dans les bureaux de la synagogue
Pendant toute cette période noire, la synagogue Dohány est réquisitionné par les nazis, devient un camp d'internement, puis un centre de déportation.
C'est dans un des bureaux du bâtiment qu'Adolph Eichmann a planifié la "Solution finale", pendant qu'à quelques mètres, les 100 000 Juifs de la ville luttaient pour leur
survie. Un combat quotidien, que des milliers d'âmes ne pourront gagner, succombant à la maladie, à la faim, aux abus.
A la fin de la guerre, moins d'un tiers des Juifs de Hongrie - 255 000 environ - a survécu. La communauté recouvre brièvement quelques forces, mais avec la prise de contrôle
du pays par les communistes, en 1949, recommence à décroître de manière significative.
A la fin des années 1960, la Hongrie regroupe 85 000 Juifs. Dix ans plus tard, le chiffre est tombé à 60 000, la plupart vivant à Budapest. Le quartier de la rue Dohány est
toujours le foyer de la vie juive du pays, mais la synagogue n'est plus que l'ombre d'elle-même. Son toit est troué à plusieurs endroits, ses fenêtres cassées et son sol
couvert de débris.....(.....)