élection du maire de Jérusalem
jeudi 13 novembre 2008, par Michel Remaud link
Dans la presse française, l’unanimité des commentaires sur l’élection municipale de Jérusalem fait penser que les auteurs des articles se sont recopiés les uns les autres, ou qu’ils ont tous puisé à la même source, celle de l’AFP. Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, Le Nouvel Observateur, Le Point, pour ne prendre que les principaux, s’accordent à dire que le nouveau maire, Nir Barkat, est favorable à l’augmentation des implantations juives dans le secteur oriental de la ville. À lire la plupart de ces titres, on pourrait même penser que c’était là l’essentiel du programme présenté aux électeurs. En quoi ils ont tout faux : à Jérusalem, tout ce qui touche aux questions de peuplement, d’extension ou de partition éventuelle de la ville relève exclusivement de l’autorité du gouvernement. Jérusalem est la ville d’Israël où la municipalité a le moins d’autonomie, et il n’est pas au pouvoir du maire et de son conseil de prendre des décisions aussi éminemment politiques.
Le ton et le vocabulaire de ces comptes-rendus de presse sont unanimement dénués de bienveillance vis-à-vis de Nir Barkat. Puisqu’il n’est pas « ultra-orthodoxe », il faut bien lui trouver d’autres défauts. C’est « un homme d’affaires fortuné » (Le Figaro), « un homme d’affaires fortuné de droite » (Le Parisien), « un riche homme d’affaires de droite » (Nouvel Observateur)… Selon Le Monde, il « profite de la division des religieux pour conquérir la mairie de Jérusalem » (oh le vilain !). À peine élu, « il a claironné sa victoire (a-t-on déjà vu ailleurs qu’en Israël un élu claironner sa victoire ?) en soufflant dans un shofar, la traditionnelle corne de bélier. » (Le Monde). Avec un bel ensemble, Le Figaro, Le Parisien et Le Point nous apprennent que le nouveau maire avait défendu « une ligne dure »… Tous ces recopiages laissent un peu rêveur, surtout quand ils sont signés « de notre correspondant ».
Pour nous détendre un peu, parcourons encore l’article du Figaro. On y apprend que « La mairie de Jérusalem a été disputée jusqu’à la dernière minute. Le candidat laïc, l’homme d’affaires Nir Barkat, était donné vainqueur hier soir selon les sondages de sortie des urnes avec 50% des voix, contre 42% pour le rabbin orthodoxe Meir Porush, son principal rival. Mais l’écart n’a cessé de se resserrer au cours de la soirée. » Or, le résultat final est de 52% à Nir Barkat contre 43% à Méir Porush, soit un écart d’un point de plus qu’à la fermeture des bureaux de vote. « Notre correspondant » a dû s’assoupir pendant la publication des estimations, ou mal lire ce qu’il a voulu recopier… L’auteur semble avoir un faible pour Arcadi Gaydamak, bien que ce dernier n’ait « pas réussi ces derniers jours à rattraper dans les sondages ses deux principaux opposants ». Effectivement, il n’a obtenu que 3,6% des suffrages. C’est pourtant sa photo, et non celle du vainqueur de l’élection, qui illustre l’article. Relevons enfin cette dernière perle à propos du candidat « ultra-orthodoxe » : « Meir Porush a cherché a atténuer son côté austère en se faisant présenter sur ses affiches par le dessin d’un personnage souriant et barbu. » Barbu, il l’était avant et après l’impression des affiches, et sa barbe n’avait rien de postiche ni d’électoral.
À quoi servent les écoles de journalisme ? À apprendre les défauts du métier, peut-être...