fauve blessé!
Attention: fauve blessé!
par Elie Kling d'A7 mardi 2 septembre 2008
"J'ai décidé de ne pas me présenter aux primaires de Kadima. Je n'ai pas non plus l'intention d'intervenir dans les élections internes du parti… Lorsque le
nouveau président de Kadima sera désigné, je démissionnerai de mes fonctions de Premier ministre… Je cèderai ma place comme il se doit avec droiture, dignité et sens de mes responsabilités
comme je l'ai fait tout au long de mon mandat. Je me consacrerai ensuite à prouver mon innocence."
En temps normal, un tel discours d'un Premier Ministre israélien en exercice aurait dû obtenir l'effet dramatique souhaité. Pensez donc! Une démission en direct
à la télévision et diffusée en même temps à la radio! Même dans un pays comme la Suisse (où personne, à part peut-être l'épouse du chef du gouvernement, ne connaît le nom du chef du
gouvernement), cela devrait produire une charge émotionnelle certaine! Alors en Israël! On se souvient encore du dramatique "je n'en peux plus" de Menahem Begin qui marqua la fin de son
règne... Que de passions il suscita! Et là, rien ou presque. C'est tout juste si le lendemain, en sirotant son coca au café du coin ou en achetant son journal, le citoyen israélien pourtant
ultra politisé en temps normal, lâcha un "tiens, tu as vu? Il a démissionné" désabusé à son serveur préféré ou a son vendeur de journaux habituel.
Cette indifférence apparente est due d'abord, soyons honnête, à l'insupportable canicule estivale qui plonge chaque année mes concitoyens dans un état de
liquéfaction avancée n'épargnant rien ni personne et surtout pas les neurones d'un cerveau ramolli par les rayons solaires. Olmert annonce sa démission le 30 juillet dans une conférence de
presse réunie à la hâte. Mais le 30 juillet, alors qu'a Tel-Aviv, il fait 35 degrés à l'ombre (et qu'il n'y a pas d'ombre), il pourrait aussi bien annoncer que la mère du Rav Ovadia Yossef
est née en Lituanie, personne n'aurait eu la force de réagir.
Et puis, cette soit disant bombe politique, tout le monde s'y attendait. Elle était aussi inéluctable qu'une protestation de Chalom Ahchav après l'installation
d'une nouvelle famille juive à Hébron ou qu'un tir de roquettes sur Sderot après la conclusion d'une trêve avec le Hamas. Lorsque chaque semaine, une nouvelle affaire éclabousse le costume de
notre Premier ministre, il arrive bien le moment où il doit le retirer. Pas de quoi mériter donc les gros titres des gazettes.
Enfin, le peuple hébreu, même ses nombreux ennemis le reconnaissent, est un peuple qui sait compter. "Et tu compteras…" est même une obligation biblique.
Lorsque Olmert annonce sa démission, les Juifs font leurs comptes: 2 mois jusqu'aux primaires de Kadima, 21 jours accordés au nouveau chef du parti pour former un nouveau gouvernement sans
dissoudre la Knesset, 21 jours supplémentaires au cas, probable, où les 21 premiers n'ont pas suffit, rebelote ensuite lorsque le président s'aperçoit que le leader de Kadima n'y arrive pas
et confie la mission au chef d'un autre parti et nous voici déjà au mois de janvier. Ceci dans le pire des cas pour notre pays, c'est-à-dire si l'anachronique Knesset actuelle, avec son
inénarrable parti des retraités, reste en place. Dans le meilleur des cas, celui où tout le monde finit par comprendre, même les députés les plus rivés à leur siège, que cette Knesset ne
représente pas plus le Peuple d'Israël que le parlement norvégien ne représente celui d'Ethiopie, nous allons vers de nouvelles élections. Celles-ci doivent être organisées dans les 90 jours,
après lesquels il faut du temps pour former le nouveau gouvernement. Et voici notre Olmert aux commandes pendant encore au moins six mois!
Et c'est là que je dis que les Israéliens ont bien tort de bailler en apprenant la "démission" de leur Premier ministre. Non seulement celle-ci n'annonce pas
son retrait immédiat de la scène politique, mais en le plaçant bientôt chef d'un gouvernement de transition, elle le renforce en le rendant inattaquable. Vous rendez vous compte de la gravité
des dégâts que l'on peut causer en 6 mois?! Or, Olmert aura alors devant lui le choix: ou bien, comme le voudraient les règles de bonne conduite démocratique, il se contente de gérer les
affaires courantes en attendant la prise de fonctions de son successeur; il restera alors dans l'histoire comme le Premier ministre le plus incompétent, le plus corrompu et le plus médiocre
qu'ait connu notre état. Ou bien, faisant fi de la bienséance démocratique, il fonce tête baissée vers un accord bâclé avec un Abou Mazen qui représente autant le peuple palestinien que le
norvégien de tout à l'heure, ou mieux (ou pire), avec le dictateur de Damas en sacrifiant le Hermon, "les yeux du pays", et en autorisant ce dernier à venir se tremper les pieds jusque dans
les eaux du Kinnereth. A moyen terme, de tels accords sont évidemment catastrophiques, voire suicidaires, pour Israël. Mais à court terme, voilà notre Olmert entrant dans l'Histoire avec un
grand "H", adulé sur la scène internationale et chanté par le cœur des post-sionistes locaux, idiots utiles de la révolution islamiste en marche.
Moi, 30 juillet ou pas, le discours-démission d'Ehoud Olmert m'a fait froid dans le dos. Rien n'est plus dangereux qu'un fauve blessé.
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
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