Le Cercle d’amis du poète disparu
Lecteur(trice), avant de prendre connaissance de cet éditorial, lisez et retenez bien cette sentence de Berl Katznelson, sioniste et socialiste de la première heure :
« Y a-t-il un peuple parmi les peuples dont les enfants on pu arriver à une telle dégradation intellectuelle et morale, que tout ce que fait leur propre peuple devient haïssable à leurs yeux, et tout ce que font leurs ennemis, le moindre larcin, meurtre ou viol, emplissent leur cœur d’un sentiment d’adhésion et d’admiration…C’est ainsi que les semences de la haine de soi vont germer en lui, au point qu’il ira jusqu’à considérer comme ses libérateurs les nazis palestiniens, qui ont réussi à concentrer ici toute la haine idéologique venue d’Europe, mêlée à l’avidité du poignard de l’Orient » (dans le journal « Davar » - 1.5.1936)
Bien, on peut y aller !
Si l’on faisait aujourd’hui un sondage pour définir quelles sont les idées-phares véhiculées par le journal BCBG « Haaretz », personne ne penserait à citer les concepts « ringards » d’amour du pays, de libération nationale ou de patriotisme. Ne parlons pas de nationalisme. Ces valeurs ne font plus partie depuis longtemps du vocabulaire de l’édition quotidienne, à plus forte raison du supplément culturel, sous la conduite de Benny Tsipor, qui a fait du post-sionisme son cheval de bataille et de l’amour du pays une valeur fasciste « empreint de terre et de sang ». « Haaretz » est devenu depuis quelques années la caisse de résonance de tout ce qui peut s’apparenter au rejet du sionisme et à la condamnation systématique de Tsahal. Rien qu’à voir le nombre d’articles du quotidien qui sont repris sur les sites pro-palestiniens et alter-mondialistes, permet de se faire une idée pour qui « roule Haaretz ». Dans la rubrique culturelle et artistique, où se concentrent les « grands esprits éclairés » de la gauche israélienne, tout auteur ou poète un tant soit peu patriote a généralement droit au mépris ou à la moquerie. Dans les élites israéliennes on est fiers d’avoir depuis longtemps dépassé le niveau tribal et reptilien…
Or, « divine surprise », dans le supplément culturel du 15 août dernier, apparaissent soudain des lignes exprimant des louanges infinies à propos du nationalisme, et magnifiant l’amour de la mère-patrie. Des expressions mises au rencart depuis des lustres par les censeurs des esprits, ont été rapidement dépoussiérées et revêtues le temps d’une édition d’un habit de lumière. Mais seulement voilà : il s’est agi d’une série d’articles consacrés à Mahmoud Darwish, décédé en début de ce mois, et qui y est décrit avec admiration comme « le grand poète national palestinien ». Dans un long article de Benny Tsipor, à aucun moment le journaliste n’émettra la moindre critique envers la personne ni l’oeuvre de Mahmoud Darwish. Rappelons à titre de comparaison, que lorsque décéda Naomi Shemer, poétesse nationale israélienne, toute la presse en fit sa une avec un hommage unanime…sauf « Haaretz », qui ne crut pas utile d’en rajouter sur cette « nationaliste basique », et qui se permit même le luxe de tourner plus tard en dérision celle qui avait composé «Yeroushalaïm Shel Zahav ».
Mais pour Darwish, point de cela. Admiration et exaltation sans retenue pour celui qui durant toute sa vie a appelé à la fin de l’Etat juif. Un « poète humaniste » qui dans ses œuvres a traîné Israël et les Juifs dans la boue, leur « demandant de quitter cette terre en emportant même leurs morts », et qui « rêvait de dévorer le foie d’une soldat israélien ». Tout ce qui est détestable aux yeux du journaliste s’agissant des Juifs, devient soudain noble et pur dès qu’il s’agit de leurs ennemis.
Dans ce long panégyrique, Benny Tsipor utilise le mot « patrie » plus de fois que ne l’a sans doute utilisé son journal durant les dix dernières années ! Les articles des autres journalistes, Itsh’ak Leor, Yaël Lerer, Slimane Matsalh’a ou Amira Hass, ne valent pas mieux. L’ennemi y est désigné de manière claire : ce sont les « destructeurs et les tueurs » (les Israéliens), et la « patrie », dont parle avec tant de nostalgie le poète disparu, ce n’est pas Sichem ou Ramallah, mais « la Galilée ». Et surtout, explique Leor, « le village natal de Darwish, sur les ruines duquel a été construit le village juif d’Ah’ihoud ». C’est là qu’Itshak Leor souhaite, une fois les Juifs expulsés bien sûr, que la dépouille de Darwish soit un jour « rapatriée ». Le journaliste avoue cependant avoir une fois vertement critiqué Darwish : c’était quelques années après les accord d’Oslo, quand le poète avait manifesté sa déception après avoir soutenu le processus. Leor reprochait alors à Mahmoud Darwish « comment les Palestiniens avaient pu se laisser berner à ce point, et accepter ce piège d’Oslo que leur avait tendu les Israéliens » !!! Réponse de Darwish : « Nous avions confiance en Rabin ! »…Réaction de Leor : « Comment un mouvement national peut-il tomber ainsi dans le panneau, et faire à ce point confiance à son ennemi ?!!! » Dixit.
Les termes d’« indépendance » ou de « libération nationale » réapparaissent eux aussi subitement dans le vocabulaire des journalistes de Haaretz, sous la plume de Slimane Matsalh’a ou Amira Hass, juive israélienne résidant à Ramallah : « Le rêve qui parcourt toute l’œuvre de Darwish est la libération et l’indépendance de la Palestine ».
Mais rassurons-nous, après cette émouvante oraison pour « le poète de la Paix » Mahmoud Darwish, et après s’être quelque peu sali les doigts en renouant avec ces principes "répulsifs" pour les besoins de la cause, « Haaretz » est bien vite revenu à sa terminologie habituelle.
Comme tu avais raison, Berl !