la Moshava Guermanit

Par GIL TROY http://fr.jpost.com/
08.21.08
Derekh Beit Lekhem. Si des représentants locaux
siégeaient à la Knesset, ils se réveilleraient tous les matins
en se demandant comment préserver leur quartier.
Photo: Ariel Jerozolimski , JPost
La Colonie allemande (Moshava Germanit) de Jérusalem est un bijou architectural, une véritable oasis urbaine avec ses bâtisses historiques,
ses coins intimes et l'harmonie visuelle qu'elle offre. Le gazouillis des oiseaux procure un agréable répit dans le brouhaha ambiant de la capitale israélienne.
La Moshava Germanit se trouve à proximité du quartier de Baka, peut-être moins pittoresque, mais d'où se dégage toutefois une semblable impression de communauté. Aux côtés
des cafés d'Emek Refaïm particulièrement fréquentés, la rue commerçante de Derekh Beit Lekhem connaît elle aussi ses heures d'affluence et fait office de centre marchand très populaire. En
clair, il fait bon vivre à Baka ou dans la Moshava Germanit.
Hélas, l'écologie urbaine de ces deux quartiers est mise en danger de manière tragique et
stupide.
Une menace qui provient des fonctionnaires pourtant censés se préoccuper de la préservation de telles perles citadines. Le véritable
coupable, qui sévit partout ailleurs dans la ville, n'est autre que le tramway dont les voies sont en cours de construction. Au moment de sa mise en service, les bureaucrates de Jérusalem
prévoient de détourner 1 000 voitures par heure de la rue Derekh Hébron vers celle de Derekh Beit Lekhem.
Les automobiles ne pourront plus emprunter
la rue Remez près de l'ancienne gare ferroviaire, pour laisser le champ libre à d'imposants autobus et leur permettre de rallier en un temps record les quartiers périphériques au cœur de la
ville.
Des ingénieurs indépendants ont confirmé ce que toute personne sensée pourrait dire. A savoir, ce projet pourtant porteur de bonnes intentions,
mais si mal conçu, provoquera une véritable invasion des quatre roues qui transformera Beit Lekhem en une "autoroute" dévastatrice pour la paix et la tranquilité de ces luxuriants
quartiers.
Résultat : des embouteillages, un vacarme incessant, l'impossibilité de se garer, des magasins en faillite, la dévaluation des propriétés,
et plus inquiétant encore des centaines d'élèves se rendant à pied à l'école dans cet environnement pollué.
Des riverains engagés
Ayant le privilège de vivre dans la Moshava Germanit depuis un peu plus d'un an, j'ai eu
le loisir d'observer avec horreur l'évolution de ce fiasco. J'ai vu les équipes d'ouvriers installer des feux de signalisation, malgré les promesses de la municipalité de geler le plan
l'année dernière.
J'ai aussi été témoin de l'action de petits groupes de citoyens pour alerter leurs voisins pendant que d'autres tentent par tous les
moyens de se faire entendre des bureaucrates de la ville.
En mars dernier, je suis moi-même entré en contact avec les autorités concernées. En tant
que chroniqueur occasionnel, j'ai sollicité une interview officielle. J'attends toujours une réponse.
Heureusement, il existe suffisamment de
riverains engagés pour lancer une campagne d'information. Récemment, un certain nombre, menés par Itaï Fishendler et Jonathan Kalman, ont entrepris de récolter des fonds et d'éveiller les
consciences pour sauver leur communauté.
Pour se battre contre une mairie indifférente, ils ont bien compris qu'il fallait attirer la sympathie du
grand public et une couverture médiatique la plus vaste possible. La campagne est entièrement coordonnée par le centre communautaire local et les responsables du conseil communal
(bakaa.s.o.s@gmail.com).
Si davantage de résidents prenaient conscience de la menace que représente ce projet pour leur qualité de vie, ils
inonderaient ces activistes d'argent liquide. D'autres habitants de quartiers menacés par des plans tout aussi nuisibles ne disposent pas des mêmes ressources - financières ou personnelles -
pour se battre.
Le central écrase le régional
Cette débâcle révèle un profond problème. Le système politique israélien est trop
centralisé. Les riverains de la Colonie allemande et de Baka, tout comme ceux de Metoula jusqu'au Néguev, manquent de représentation locale. Nous avons besoin de délégués des conseils
municipaux à la Knesset pour présenter les revendications des quartiers d'une façon efficace et indépendante.
Il est vrai qu'avec un système local, on
risque de voir des gens se mettre à crier : "Pas dans mon arrière-cour", sans se soucier de cosnsidérations qui pourraient affecter l'ensemble de la communauté ou autres problèmes
communautaires plus larges. Mais dans une démocratie qui fonctionne, le local et le national devrait s'équilibrer l'un l'autre pour former une danse constructive.
Il arrive trop souvent qu'en Israël, le central écrase le régional. On le voit quand des ingénieurs imposent avec entêtement et arrogance des plans urbains nuisibles aux
quartiers. On le constate aussi quand des bureaucrates du ministère de l'Education empêchent des parents de réunir des fonds pour une école particulière qui fait appel à l'excès à des
professeurs-stagiaires par manque de moyens.
La bataille pour sauver Baka, la Moshava Germanit et la rue marchande de Beit Lekhem ne constitue qu'une
simple prise de bec dans une lutte de longue haleine. Israël a désespérément besoin d'un système politique plus responsable, mais aussi de fonctionnaires plus réactifs, à tous les
niveaux.
Ces derniers doivent comprendre que les démocraties - tout comme les quartier menacés - sont des écosystèmes délicats qui exigent une
attention toute particulière