Dossier : le Combat pour Jérusalem
1ère partie - Har Homa, un Quartier stratégique de Jérusalem
Pierre Itshak Lurçat
Les centaines de manifestants qui se pressaient à l’entrée du quartier de Har Homa, le soir de l’arrivée de George Bush à Jérusalem, bravant le froid et la pluie glaciale, étaient en majorité des jeunes, élèves de yeshivot et d’oulpenot (écoles pour Juifs religieux) du courant sioniste religieux. On croisait aussi quelques vétérans du combat pour Eretz-Israël, comme Nadia Matar, dirigeante des « Femmes en vert » et pasionaria des manifestations de droite depuis l’époque des accords d’Oslo. La disproportion entre le faible nombre de manifestants et la taille de l’enjeu – l’avenir de Jérusalem – était flagrante, et on pouvait se demander si elle résultait du climat ou de causes plus profondes, comme le sentiment de lassitude qui a gagné une grande partie du « camp national » depuis l’expulsion du Goush Katif. Mais on lisait sur le visage des présents, jeunes et vieux, la même détermination, et le sentiment que le combat pour Jérusalem avait recommencé, ce soir-là, à Har Homa.
Le quartier de Har Homa, que la communauté internationale et même les « amis » américains de l’Etat juif considèrent comme
une « colonie » juive au sud de Jérusalem, est pourtant situé dans les limites municipales de la capitale israélienne, à l’extrémité sud de la ville, où il occupe une position stratégique. Il
constitue en effet une « zone tampon » entre Bethléem au sud, les villages arabes de Tsour Bahir et Oum Tsouba au sud-est, et Jérusalem au nord. Har Homa fait partie des quartiers périphériques
construits entre les années 1970 et 1990, qui constituent une ceinture autour de Jérusalem et répondent à des besoins à la fois démographiques, politiques et stratégiques : Pisgat Zeev au
nord-est, Ramot à l’ouest, Talpiot-mizrah à l’est, Guilo au sud et Har Homa au sud-est.
Mais l’histoire de Har Homa remonte en fait aux années 1940, avant la création de l’Etat, lorsque plusieurs Juifs firent l’acquisition de 130 dounam sur cette colline déserte, désignée alors
par son nom arabe de Jabal Abou Ghneim. Le KKL entreprit ensuite de reboiser la colline. Elle fut le théâtre de combats acharnés pendant la Guerre d’Indépendance (voir encadré). Le nom même de
Har Homa, qui signifie littéralement « la montagne muraille », traduit bien les préoccupations stratégiques qui ont présidé à son édification. Il a été rebaptisé « Homat Shmouel » - du nom de
l’adjoint au maire Shmouel Meir, artisan de la construction du quartier tué dans un accident de la route - mais ses habitants continuent d’utiliser son ancien nom.
La construction de Har Homa a débuté officiellement en 1991, lorsque le ministre Itshak Modaï décida de l’expropriation de terres sur la colline recouverte de forêts, afin de bâtir un nouveau
quartier. Les travaux n’ont cependant commencé qu’en 1997, sous le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Il est important de préciser que les terres expropriées par l’Etat pour construire Har
Homa appartenaient en grande majorité (75 %) à des propriétaires privés israéliens, et pour une faible part seulement à des propriétaires arabes des villages avoisinants.
Un quartier très prisé par les francophones
Les protestations internationales qui ont accompagné la récente décision de construire 300 nouvelles maisons à Har Homa n’ont en réalité rien de nouveau. Dès 1997, les Etats-Unis, l’Europe et
les représentants arabes à l’ONU avaient protesté contre la construction juive dans ce nouveau quartier, qualifié de « colonie juive ». En fait, les positions américaines et européennes sont
quelque peu différentes, puisque les Américains ont longtemps fait une distinction entre Jérusalem-Est et le reste des « territoires », alors que les autres chancelleries occidentales mettent
tout dans un même panier, parlant de « colonisation » juive aussi bien à l’égard de Hébron ou Ariel que des nouveaux quartiers de Jérusalem.
Mais comme dit le proverbe, « les chiens aboient, la caravane passe ». En l’occurrence, les chiens ne cessent d’aboyer, et la caravane continuer d’avancer… La colline déserte au sud-est de
Jérusalem est ainsi devenue, en l’espace de dix ans, un quartier très densément peuplé, particulièrement prisé des jeunes couples avec enfants et des nouveaux immigrants, américains et français
notamment. Har Homa compte actuellement près de 16 000 habitants, mais le projet initial envisage de porter ce nombre jusqu’à 30 000 habitants.
La plupart des habitants de Har Homa n’ont pas du tout le sentiment d’habiter dans un quartier controversé, ou dans une « colonie ». Le paysage urbain évoque d’ailleurs beaucoup plus celui des
autres quartiers périphériques de la capitale, comme Pisgat Zeev ou Guilo, qui sont parfois qualifiés de « banlieues dortoirs », que celui des localités juives en Judée et en Samarie. Plus que
par idéologie sioniste, ce sont des motivations matérielles très banales qui incitent beaucoup de jeunes couples à venir s’installer à Har Homa : le prix des appartements à la location et à
l’achat, de beaucoup inférieur à celui des quartiers moins excentrés de Jérusalem.